J’ai 12 kilos de côtes de boeuf dans mon frigo pour les prochains 28 jours : épisode 2

J’ai 12 kilos de côtes de boeuf dans mon frigo pour les prochains 28 jours : épisode 2

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(©clubsandwich)

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Par Pharrell Arot

Publié le

Deuxième épisode de notre saga du printemps sur la maturation d’un train de côtes de bœuf. 

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Depuis maintenant une semaine, je stocke chez moi dans un espace à 2 °C ventilé un train de côtes de bœuf d’environ 12 kilos (lire l’épisode 1 ici). Cette maturation prévue pendant 28 jours va permettre à la viande de développer ses parfums, de s’attendrir et de réduire son taux d’humidité. Au bout de 7 jours, la viande a commencé à brunir sur les faces extérieures, laissant ressortir le grain du muscle. Zéro odeur douteuse, pas de moisissures fluorescentes, le procédé semble suivre son cours sereinement. Le lit de gros sel a lui commencé à durcir, preuve qu’il aspire bien l’humidité de la viande.

Un autre rapport à la viande

Petit, j’allais souvent passer mes week-ends aux portes de la Beauce dans la maison de campagne de ma grand-mère. La voisine, Mme Boisset, était fascinante. Cette vieille dame courbée, vrai personnage des campagnes françaises, vivait à l’ombre de son verger avec ses poules. Un jour, elle m’a montré comment tuer et préparer un lapin. Un coup sec derrière la nuque en le tenant par les oreilles, une incision à la gorge à l’aide d’un petit couteau aiguisé, et la peau du lapin qui glisse sur sa chair tel un petit pyjama. “Les yeux, c’est pour les poules.”

Ces cinq minutes m’ont traumatisé, mais ont sans doute participé à construire mon rapport à la viande et au produit vivant en général. Bien des années plus tard, j’ai appris à préparer un poulet, à vider un poisson, à tuer l’animal pour le manger. Cet apprentissage me permet aujourd’hui d’appréhender la viande comme un produit à part, qui mérite qu’on en prenne soin si on décide d’en consommer.

Pourquoi le “dry aging”

C’est aux États-Unis que j’ai pu goûter pour la première fois une viande de bœuf maturée. Vieilli pendant presque 100 jours et à un prix exorbitant, ce “ribeye” m’a mis une claque de saveur, avec des notes puissantes allant presque jusqu’à des parfums qu’on pourrait retrouver dans un fromage au lait cru français. Alors oui, le vieillissement aussi extrême n’est pas pour tous les palais, mais si vous aimez la viande rouge et les goûts francs, vous y trouverez votre bonheur. En France, de nombreux bouchers proposent désormais des viandes maturées, afin de concentrer les saveurs du bœuf. En perdant de son humidité, le muscle va s’attendrir et le gras, la partie la plus parfumée du bœuf, pourra prendre toute se place en fondant à la cuisson et dans la bouche. Évidemment, une côte de bœuf maturée ne se vendra pas au même prix qu’une côte de bœuf traditionnelle, mais dans l’idée de manger moins de viande pour en manger de la meilleure, le “dry aging” trouve sa raison d’être et ses lettres de noblesse. À la semaine prochaine.

Bonus : Nick Solares goûte et commente pour Eater le parfum de viandes maturées de 40 à 420 jours :