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Sur les pas d’Ernest, l’association qui met la solidarité dans l’assiette

Sur les pas d’Ernest, l’association qui met la solidarité dans l’assiette

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Par Sirine Azouaoui

Publié le

Ernest a inventé le “pourmanger” : dans les restaurants partenaires, une partie de la note est reversée à ceux qui sont dans l’insécurité alimentaire.

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En prenant un repas dans un restaurant, on aide quelqu’un d’autre à manger. Jusqu’à mi-décembre, trente restaurants parisiens participent à la dernière campagne d’Ernest : le but est de fournir un panier de légumes à des personnes en insécurité alimentaire. Derrière Ernest se cachent 15 personnes, une petite famille solidaire qui mène campagne après campagne pour créer un “circuit court de solidarité”. L’année dernière, Ernest a permis à l’association l’Un est l’autre, qui distribue des repas, de s’équiper. Et en février dernier, deux épiceries sociales toulousaines ont été aidées dans l’aménagement de leurs cuisines.

Après avoir travaillé dans un ministère auprès de grandes associations, Eva Jaurena a co-fondé Ernest, qu’elle dirige aujourd’hui : “Je me suis rendue compte que le nerf de la guerre était le financement. On voulait être indépendants à ce niveau-là pour faire vraiment ce qu’on voulait.” L’idée c’est surtout de rester à taille humaine. La proximité est un peu son credo. À la manière des chefs qui travaillent en direct avec leurs producteurs, Ernest fait le lien direct entre les restaurants et les associations.

Créer un lien entre restaurants et associations

“D’un côté, il y a les restaurants qui font à manger, qui rassemblent les clients : ils peuvent faire parler de l’initiative, créer une communauté. De l’autre, les associations font très bien leur travail de terrain, de distribution alimentaire. On ne voulait pas remplacer les associations, on voulait créer une coordination entre les deux. Ce modèle n’existait pas vraiment”, raconte la co-fondatrice d’Ernest.

Pour sa dernière campagne — qui se termine en décembre —, Ernest est donc allé chercher des restaurateurs dans l’Est de Paris. Et cette proximité, semblable à leur manière de travailler, les a séduits. “Notre métier, c’est d’être généreux, on utilise de super jolis produits, on essaie de ne pas matraquer le client. On est un bistrot de quartier mais on a une clientèle du monde entier, ça nous permet de nous rapprocher des habitants”, note Audrey Jarry, du Passage, qui ajoute le “pourmanger” sur l’un des desserts.

Du côté du Distrito Francés de Davy Ngy et Florian Matarin, on ajoute 30 centimes sur l’addition le soir et le samedi midi. “Dès le début, l’idée était de faire de la bonne bouffe dans une atmosphère cool, mais aussi de redonner à la société. On voulait inciter tout le monde à donner un peu, à s’impliquer, explique Davy. Après il a fallu que chacun peaufine sa phrase d’accroche pour expliquer aux clients le principe d’Ernest. Depuis, le rade mexicain est un peu l’ambassadeur de l’initiative, avec des flyers colorés sur toutes tables.

“On doit amener les gens à se poser des questions”

Chez Septime, la table overbooké du chef star Bertrand Grébaut, un euro est ajouté au menu du déjeuner. Chez Clamato — la porte à côté —, c’est sur l’un des desserts. Pour le chef et son associé Théo Pourriat, participer à la campagne Ernest était une évidence, qui ne change pas grand chose au quotidien. “Ce qui nous a plu, c’est que ce soit fait avec des associations de quartier. Chacun peut participer comme il peut, c’est une vraie solidarité”, affirme Théo Pourriat.

“C’est une question de génération, on est plus sensibles à ces sujets. C’est peut-être cliché, mais on a l’impression qu’on ne peut plus rien faire et qu’on est impuissants si on ne travaille pas à petite échelle. En tant que chefs, on a une influence sur les gens qui nous suivent. Sans être moralisateurs, on a un rôle éducatif, informatif. On doit amener les gens à se poser des questions”, résume Bertrand Grébaut.

À coups de 1 euros par-ci et de quelques dizaines de centimes par-là, Ernest a récolté 9 600 euros entre juillet et septembre 2016 pour donner des légumes pendant un an à des séniors précaires. Quand manger rime avec solidarité.