L’alcool le plus vendu au monde nous vient de Corée du Sud

L’alcool le plus vendu au monde nous vient de Corée du Sud

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Par Pharrell Arot

Publié le

Connaissez-vous le soju ?

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Alex et Pierre sont tombés amoureux de la Corée du Sud, après de nombreux voyages et autres séjours professionnels dans le pays. Là-bas, ils sont devenus fous du soju, cet alcool partagé en toute occasion par les habitants. Véritable pilier de la culture coréenne, le soju est de toutes les tables et tous les afterworks. Les deux compères préparent un documentaire sur le sujet : Soju or die. On leur a posé quelques questions pour en savoir plus.

Club Sandwich | Salut Alex, dis-nous, c’est quoi le soju ?

Alex Reza | Avant tout, c’est l’alcool national, celui du partage, de la désinhibition et des rencontres. Le soju, c’est un alcool de riz distillé et filtré. À l’image du saké japonais, c’est un alcool fort qui ressemble à la vodka quand il est bu dans sa forme classique ; d’ailleurs, le surnom du soju est “baby vodka”. Le soju se fait à base de nuruk, une pâte de riz et de blé malaxée avec de l’eau. Une fois la pâte séchée, on la met dans un sojugori (un alambic) pour faire fermenter la mixture et obtenir l’alcool (comme le malt pour la bière par exemple).
 
Vous êtes tombés dedans comment ?
 
Alors le soju et nous, c’est une longue histoire d’amour. Un de nos meilleurs amis est coréen et il nous a initiés dès le lycée aux bienfaits de ce breuvage. Car sans accointances avec la culture coréenne, il est impossible de connaître le soju, tant cette boisson a à peine traversé la péninsule. Ensuite, j’ai moi-même vécu en Corée du Sud pour des raisons professionnelles.
 
Toutes mes rencontres, mes soirées entre ami·e·s, mes rendez-vous professionnels se sont faits autour d’une bouteille de soju. Je peux compter sur les doigts d’une main les fois où je suis sorti sans boire de soju. Il y en a partout, dans les restaurants ou les épiceries, et on a même l’impression parfois que c’est moins cher que l’eau. Pour résumer, on n’est pas vraiment tombés dedans. Le soju nous a complètement submergés. Maintenant, nous ne buvons presque que ça.
 
C’est incroyable cette consommation en Corée du Sud, vous l’expliquez comment ? C’est culturellement accepté ou ça peut parfois tomber dans la catégorie “problème de santé publique” ?
 
C’est en effet complètement disproportionné et nous l’avons vu de nos propres yeux : des couples qui se portaient mutuellement dans la rue, des employés qui dormaient dans les rues, des visages peu frais le matin… Il y a plusieurs raisons à cela. Les Coréens sont tout d’abord très fiers de leur culture et particulièrement de leur cuisine et tout ce qui y touche de près ou de loin.
Nous caricaturons un peu, mais on a l’impression qu’un Coréen ne peut pas voyager sans sa réserve de kimchi. Le soju étant l’un des alcools les plus vieux de la péninsule (il est apparu au XIIIe siècle après une invasion mongole), ils en sont très fiers. De plus, l’alcool est le meilleur moyen de réunir des gens. Dans une société encore profondément confucéenne, c’est le meilleur moyen de se faire de nouveaux·elles ami·e·s.
 

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C’est pour ça qu’en Corée, lors des dîners entre collègues (appelés hweshik), tout se passe toujours autour d’une bouteille de soju. Le boss, souvent à l’initiative de ce genre d’after works, est le premier à donner l’exemple en s’enfilant un shot. Ensuite, loin de l’image austère qu’on peut donner à certains pays d’Asie, les Coréens sont très festifs. Ils adorent sortir, faire la fête et sont toujours dehors. D’ailleurs, on n’organise pas de “soirées” à la maison en Corée. Tout se fait dans les bars, c’est comme ça, c’est culturel. De par leur vie professionnelle ou leur façon de faire la fête, les Coréens sont toujours amenés à boire, c’en est devenu une part de leur ADN.
 
Pour ce qui est du problème de santé, forcément, la consommation d’alcool en Corée crée des problèmes de santé. Il suffit de lire ce qu’en dit l’Organisation mondiale de la santé. On y lit clairement que la Corée est au stade 5/5 en termes d’années de vie perdues à cause de la consommation d’alcool.
 
On en trouve en France ? Et on mange quoi avec ?
 
Ça se trouve en France dans les magasins spécialisés dans les produits asiatiques ou coréens, mais ce n’est pas forcément très courant ! Ce n’est pas comme les traiteurs italiens, parfois il faut être imaginatif pour assouvir sa soif de soju en France. Traditionnellement, on mange en buvant en Corée, encore une histoire de culture. Pour donner un exemple : si l’on doit se retrouver avec des amis, on ne va pas dans un bar ou un café. On se rend dans un pocha, c’est un mix entre tout cela. On y boit et on y mange ; pas de nourriture sans alcool en Corée. Ils ont même donné un nom à ces plats : les anju. Il y a des anju de tout et n’importe quoi, poisson, viande, légumes (nogari, nakji, kimchi, jokbal…). On mange beaucoup en Corée, donc à chaque boisson commandée, on rajoute des anju, quand ils ne sont pas déjà compris.
 

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Tu peux nous parler du docu que vous souhaitez réaliser sur le sujet ?
 
On est partis du constat que la France était un des plus grands pays consommateurs et producteurs d’alcool, mais que l’on ignorait tout de l’alcool le plus vendu au monde… Jusqu’à son nom. C’est un constat étrange pour un pays qui se targue comme le nôtre d’être à la pointe en matière d’alcools et donc d’avoir la culture la plus riche à ce niveau-là. Or, la Corée possède une véritable culture de l’alcool qui nous est totalement inconnue et qui est très différente de la nôtre. Différente parce qu’elle met en exergue toutes les différences historiques, sociales et culturelles entre nos pays.
 
Ce que l’on veut montrer de manière concrète, c’est l’histoire de la Corée par le prisme du soju. On veut aller à la rencontre des distilleries artisanales, des géants de l’industrie, pour qu’ils nous expliquent comment les pénuries de riz ont influencé l’évolution de cet alcool. Nous voulons aller à la recherche des gens qui ont connu l’interdiction de boire de l’alcool coréen comme le soju durant l’occupation japonaise, pour montrer que le soju est un véritable symbole de la résurrection de la culture coréenne post-guerre de Corée. L’important pour nous est de rendre la réalité du soju entre souvenirs de parents et actualités des jeunes, la nouvelle tendance du soju, fruit et évolution d’une culture moderne qui est la résultante de sa culture et de son passé.
 
Pour ceux qui connaissent, la Corée du Sud est avant tout un pays joyeux, entraînant et totalement délirant en ce qui concerne les divertissements et la joie de vivre. Donc pourquoi ne pas faire un documentaire qui parle de ça ?!
 
Soutenez Pierre Loeb et Alex Reza dans la réalisation de leur documentaire Soju or die sur Kickstarter.
 
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.