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“Aucun enfant ne devrait finir à l’hôpital pour un bout de pizza”

“Aucun enfant ne devrait finir à l’hôpital pour un bout de pizza”

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© Buitoni

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Par Konbini Food

Publié le

"Notre rôle à nous, c’est de les protéger, et je n’ai pas su protéger mes enfants d’un bout de pizza" : les parents désemparés face au scandale sanitaire.

Aurélie, 34 ans, et son époux John, 40 ans, menaient “une vie de famille normale”. Tout a été chamboulé quand leurs deux fils sont tombés gravement malades, intoxiqués par la bactérie E. coli via des pizzas Buitoni, une marque du géant de l’agroalimentaire Nestlé. Avec les parents d’une cinquantaine d’autres enfants présentant une insuffisance rénale liée à une contamination à E. coli, ce couple de l’Hérault a porté plainte. Pour qu’“aucun enfant ne finisse plus à l’hôpital pour un simple bout de pizza”, ont-ils confié lors d’un long entretien à Montpellier, à une heure de route de leur domicile.

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Les deux garçons d’Aurélie Micouleau et John Delpech ont développé ce que les scientifiques appellent un syndrome hémolytique et urémique (SHU), qui touche en particulier les jeunes enfants. Entre les rendez-vous médicaux, accablés par un sentiment de culpabilité et d’impuissance, les parents, qui ont aussi une fille de 12 ans, vivent depuis deux mois “comme des zombies”. “D’abord, il y a eu celui de 5 ans”, le petit dernier, qui “commence à avoir mal au ventre, à vomir, à faire de la diarrhée”, se souvient Aurélie. “Simple gastro”, répond dans un premier temps le médecin de famille. Quelques jours plus tard, l’enfant est pourtant emmené aux urgences.

“Là, on n’a rien compris à ce qui nous arrivait. On nous parle de dialyse, de maladie rénale, que ça peut monter au cœur, au poumon, au cerveau, et qu’il y aura des séquelles à vie”, poursuit la jeune mère au foyer. Le pronostic vital est à ce moment engagé et le garçonnet placé sous dialyse. Au réveil, “il pleurait, il hurlait : ‘Maman, arrêtez de me faire mal'”. Nouveau choc, dans la foulée, quand leur fils de 10 ans est hospitalisé avec les mêmes symptômes.

“Course au profit”

Les deux garçons sont désormais rentrés à la maison. Mais les lésions aux reins sont irréversibles, assure John, qui a mis entre parenthèses son activité commerciale : “Aucun médecin n’est capable de nous dire si leur état va se dégrader dans un mois ou dans vingt ans.” Le 18 mars, Nestlé avait annoncé le retrait-rappel des pizzas Buitoni de la gamme Fraîch’Up, après avoir été informé de la présence de la bactérie dans la pâte d’un produit. Ces pizzas, distribuées dans 23 pays, correspondent à celles achetées par le couple.

En France, 53 cas sont désormais confirmés, selon le dernier point de Santé publique France. Des investigations sont en cours pour 26 autres. Deux enfants sont décédés, même si le lien avec les pizzas n’a pas été confirmé. Le 22 mars, une enquête pour “homicides involontaires”, “tromperie” et “mise en danger de la vie d’autrui” a été ouverte au pôle Santé publique du parquet de Paris.

Début avril, le préfet du Nord a interdit la production de pizzas au sein de l’usine Buitoni de Caudry, près de Cambrai. Les inspections ont “mis en évidence un niveau dégradé de la maîtrise de l’hygiène alimentaire”. “J’attends que la justice fasse son travail. Qu’on regarde pourquoi on en est arrivé là, pourquoi ils ont mis autant de temps avant de fermer l’usine. C’est quand même des gros groupes, je ne vois pas comment on peut accepter d’avoir des usines dans cet état”, s’indigne M. Delpech, en dénonçant la “course au profit à tout prix”.

“Buitoni, dans sa volonté de coopération et dans le respect de la souffrance des familles, continue à chercher toutes les origines possibles de cette bactérie”, a réagi vendredi un porte-parole de Buitoni, à qui l’AFP avait fait part des critiques et interrogations du couple : “Cette situation nous est d’autant plus intolérable que des enfants sont concernés.” Avec leur avocat, Me Pierre Dubuisson, et les autres familles concernées, le couple est déterminé à “aller jusqu’au bout pénalement”, quel que soit le dédommagement qu’il pourrait obtenir : l’argent “ne va pas ramener les reins de mes enfants”, estime Aurélie Micouleau.

“C’est moi qui ai pris cette pizza dans le congélateur, c’est moi qui l’ai fait cuire, je me revois encore la leur donner à table”, regrette-t-elle. “Notre rôle à nous, c’est de les protéger, et je n’ai pas su protéger mes enfants d’un bout de pizza.”

Konbini food avec AFP