En Bourgogne, le blues des éleveurs d’escargots

En Bourgogne, le blues des éleveurs d’escargots

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© Jean-Philippe Ksiazek/AFP

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Par Konbini Food

Publié le

Faute de marchés de Noël et, désormais, de foires gastronomiques, les éleveurs sont au pied du mur.

Restaurants fermés, marchés annulés, foires supprimées : en Bourgogne, terre des escargots, de nombreux éleveurs privés de débouchés par le Covid se retrouvent “le couteau sous la gorge”, sans pouvoir compter sur une aide gouvernementale qu’ils jugent inadaptée. Hervé Ménelot pointe avec son stylo la succession de colonnes sur son graphique comptable : en bleu, les recettes de 2019 sont hautes ; en rouge, celles de 2020 rasent l’abscisse.

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“Là, je faisais un week-end portes ouvertes. Ça a été annulé. Là, les marchés de Noël ont été supprimés… Là, les foires gastronomiques…”, énumère le patron de L’Escargot dijonnais, à Fénay (Côte d’Or). “Sur l’ensemble de 2020, j’ai fait un tiers de ventes en moins par rapport à ce que j’avais prévu. Alors, je ne me suis pas rémunéré de juin à octobre : j’ai vécu très simplement avec mes petites économies”, explique le producteur, seul employé permanent de sa microentreprise.

“Cette année, c’est pareil. Je n’ai aucune manifestation en vue, aucun marché de producteurs et pas de restos. On n’est pas très optimistes”, lâche-t-il en jetant un œil inquiet sur les bocaux d’escargots qui s’entassent sur les rayons de sa boutique “à la ferme”, installée dans une maison en plein champ. “Les charges sont incompressibles : l’énergie, les assurances et surtout les emprunts”, rappelle Hervé Ménelot qui a investi 150 000 euros pour démarrer son exploitation en 2015.

“On va vite se retrouver sans trésorerie : comment allons-nous tenir le coup ?”, se demande-t-il, avant de lâcher :“Fermer ? C’est le risque.” “On a failli tout arrêter en décembre, se souvient Olivier Dard. Normalement, ce mois-là, on fait 90 % de notre chiffre d’affaires. En décembre 2020, j’ai perdu 70 % de mes ventes.”

Au total, sur l’ensemble de 2020, son exploitation Les Choupins’escargots, à Chapelle-Voland (Jura) aura perdu “50 % de chiffre d’affaires”. Pour “essayer de survivre”, son épouse Véronique, qui gère la petite entreprise, a drastiquement réduit son salaire. “1 000 euros par mois maximum et c’est souvent largement en dessous”, lâche son mari qui, lui, a été forcé de prendre un travail d’employé communal.

“Environ une centaine des 300 à 400 éleveurs en France est en très grosse difficulté”, résume William Blanche, président du Groupement des héliciculteurs de Bourgogne Franche-Comté (GHBFC). “Certains ont le couteau sous la gorge”, prévient-il. Formé de petites exploitations, l’élevage français n’a pas la taille pour résister à la crise sanitaire : sur les 30 000 tonnes d’escargots consommés dans l’Hexagone, 5 % seulement y sont produits, les pays de l’Est inondant le marché de leurs “escargots de Bourgogne”.

Cette espèce, qui n’est pas propice à l’élevage, est protégée en France et ne peut pas y être ramassée pour commercialisation. Seuls sont produits en France des petits et gros gris. Pour contrer les pertes de débouchés dues au Covid, de nombreux éleveurs ont demandé l’aide de 1 500 euros par mois de l’État. “Ça m’a sauvé”, se souvient Sylvain Peyrot. “Quand j’ai reçu l’aide, il me restait 200 euros sur mon compte”, dit le patron de Lescarg’aujoux, à Étrigny (Saône-et-Loire).

Le producteur a touché 1 500 euros pour avril, mai et juin. “Mais ça recommence. En janvier, j’ai fait 160 euros de chiffre d’affaires, contre 3 000 à 4 000 normalement. C’est bis repetita”. Sylvain Peyrot compte bien refaire appel à l’aide “si besoin”. Celle de 1 500 euros par mois lui sera encore ouverte, mais il ne sera pas éligible à l’aide de 10 000 euros par mois maximum car un décret du 19 décembre conditionne son accès à la réalisation de 50 % du chiffre d’affaires dans la restauration, a précisé à l’AFP le ministère de l’Agriculture.

“Quasiment personne ne fait 50 % dans la restauration. Moi, je vends à 80 % aux particuliers : à la ferme, dans les marchés…”, explique Hervé Ménelot, qui est également coordinateur national du GHBFC. “On a l’impression d’être oubliés”, lâche-t-il, pointant du doigt le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, qui s’est déplacé fin novembre dans le Morvan tout proche pour soutenir les producteurs de sapins. “Mais sans venir nous voir !”

“Sans le soutien de l’État, comment tenir ?”, résume Hervé Ménelot, avant d’avertir : “Un tiers des exploitations peut disparaître.”

Konbini avec AFP