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En France (et ailleurs), la petite revanche des boissons sans alcool

En France (et ailleurs), la petite revanche des boissons sans alcool

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© Fox

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Par Konbini Food

Publié le

Au pays du vin, c’est une petite révolution.

Derrière un comptoir flambant neuf, le barman verse un liquide rougeoyant d’un shaker à l’autre d’un geste ample et affûté. Dans un Paris sous couvre-feu, le lieu même pas encore inauguré mise sur les boissons sans alcool pour attirer une nouvelle clientèle. “C’est une volonté de casser les codes et surtout de prendre en compte le changement de goût des consommateurs”, explique Marie-Laure Berny-Tarente, directrice générale de Drinks&Co, un temple de l’alcool qui rassemble caviste, bar à cocktails, restaurant et cours de formation en “mixologie”, ouvert en décembre par une filiale du numéro deux mondial des spiritueux Pernod Ricard.

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Pandémie oblige, les cours sont en ligne, bar et restaurant sont fermés. La douzaine de barmen en tabliers de cuir recrutés à Séoul, Bali ou Amsterdam et reconvertis en cavistes guident les choix de la (maigre) clientèle de passage. Sur les étagères, des “distillats” sans alcool aux noms exotiques voisinent avec des centaines de bières, vermouth, rhums et gins du monde entier. 

À partir de racines, d’écorces, de plantes infusées ou distillées, ils reproduisent des amertumes, des textures ou des couleurs évoquant l’alcool. “Chacun des cocktails ‘signature’ de notre carte peut être commandé en version alcoolisée ou non, au même prix et à goût comparable”, explique John Benoliel, qui fut barman pendant 15 ans à Londres.

Tendance à la modération

De cette ville “en avance de cinq ans sur Paris pour les tendances comme le ‘no-low'” (sans alcool ou très faiblement alcoolisé) était parti le phénomène d’hyperalcoolisation rapide connu sous le nom de “binge drinking” chez les adolescents, rappelle M. Benoliel. À Londres aussi a été lancée dès 2013 la première campagne de modération de la consommation “dry january” (“janvier sobre” ou “défi de janvier”).

Pour Sophia Shaw-Brown, du cabinet londonien d’analyses du marché mondial des vins et spiritueux IWSR, “il y a une nouvelle tendance à la modération […], particulièrement dans les jeunes générations”. Une tendance qui n’a néanmoins “rien à voir avec l’abstinence” : “Ce sont des gens qui changent leurs habitudes de consommation pour mieux apprécier leurs boissons alcoolisées”, dit-elle.

Au Royaume-Uni, le marché du sans alcool a progressé de 10 % entre 2014 et 2019, selon IWSR, et de 11,9 % aux États-Unis. En France, pays des mille terroirs viticoles, où existait jusqu’à peu une seule marque de vin effervescent sans alcool réservée aux fêtes enfantines, la croissance a été de 10,4 %, quasiment exclusivement dans le secteur des bières.

Pour les années à venir, alors que la consommation globale d’alcool a plutôt tendance à se tasser, celle des “no-low” devrait atteindre environ 30 % d’ici 2024, représentant 2,5 milliards d’euros, selon Sophia Shaw-Brown. Reste qu’en France, la tendance perce plus difficilement. Les vins désalcoolisés en particulier ont mauvaise presse, souvent jugés trop sucrés pour des palais habitués à l’expression minérale des terroirs ou à la sensualité des différents cépages. 

“À Paris, il y a peut-être un marché, mais chez moi, non”, tranche Cyril Coniglio, “meilleur caviste de France”, installé dans la Drôme. “Au contraire, après le premier confinement, j’ai vendu de très, très grands crus très chers, les gens ont voulu se faire plaisir à ce moment-là.” Idem pour Hervé Gomas, caviste à Milly-la-Forêt, qui “ne croit pas” à ce marché. “J’ai goûté des vins désalcoolisés, ce n’était pas bon du tout, et je n’ai pas de clientèle pour ça”, dit-il.

Pourtant, les alcooliers eux-mêmes testent le marché. Bacardi-Martini a ainsi commandé un sondage à Opinion Way en janvier : 60 % des Français y disaient vouloir essayer une boisson “sans ou à faible teneur en alcool”. David Colliot, caviste à Paris, y croit. Le sans alcool représente 2 % de ses ventes.

Femmes enceintes, personnes d’âge mûr devant freiner leur consommation pour des raisons de santé, il voit le marché progresser. D’autant qu’il est convaincu d’avoir trouvé une pépite : la start-up Le Petit Béret, alliant le savoir-faire viti-vinicole français à des boissons sans alcool pas trop sucrées.

“L’aventure a démarré en 2012 et on a fait quasiment cinq ans de recherche et développement avec l’Institut national de la recherche agronomique et environnementale (INRAE) et le Centre technique agroalimentaire d’Avignon (CTCPA)”, explique Fathi Benni, fondateur du Petit Béret.

Son procédé unique de fabrication, partant d’une filière agricole, la viticulture, permet “de presser du raisin et d’obtenir une boisson aux qualités aromatiques des différents cépages”, sans passer par une désalcoolisation. Ses principaux clients ou marchés cibles sont surtout situés au nord de l’Europe. Il vise aussi les pays musulmans “où l’on ne boit pas d’alcool”.

Konbini avec AFP