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Fermer ou pas ? Le dilemme des restaurateurs de Paris à Marseille

Fermer ou pas ? Le dilemme des restaurateurs de Paris à Marseille

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© GEOFFROY VAN DER HASSELT/AFP

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Par Konbini Food

Publié le

"On tape sur les petits et les supermarchés très fréquentés restent ouverts. On est en train de nous ruiner."

À Paris, Lyon ou Marseille, au lendemain de l’annonce d’un couvre-feu à 21 h 00 qui a débuté samedi pour six semaines, les petits restaurateurs indépendants, déjà très éprouvés par la crise sanitaire, vivent la même “galère” : comment survivre sans service du soir ? “Je suis partout, en cuisine, en salle, à la plonge, je n’ai pas de répit… et je suis dans le flou total”, constate Gabrielle Beck. “Je risque de devoir fermer et de mettre au chômage partiel mes salariés”, ajoute la patronne du Tintamarre, qui fait 60 à 70 % de son chiffre d’affaires le soir, malgré un nombre de couverts plus important le midi, car “ce sont des formules beaucoup plus économiques”.

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À 43 ans, l’ex-architecte d’intérieur devenue cheffe cuisine bio et locale réinterprète les classiques libanais : houmous au basilic, caviar de courge, croquettes de halloumi… Elle s’est fortement endettée pour rénover ce local de 28 places proche du bassin de La Villette, dans le nord de Paris. “J’ai beaucoup d’idées pour renouveler mon offre, mais cela prend du temps… et comment faire les 20 000 euros de chiffre d’affaires dont j’ai besoin avec un seul service ?”

© GEOFFROY VAN DER HASSELT/AFP

“On sauve les meubles mais…”

L’aide de 1 500 euros reçue pendant le confinement “ne couvre rien du tout”. “J’ai eu la chance d’avoir un propriétaire qui m’a offert trois mois de loyer, mais depuis juillet je dois payer. C’est une dette remise à plus tard.” Avec un chiffre d’affaires divisé par eux, elle ne se rémunère pas et désormais “ne dort plus” avoue-t-elle, la voix étranglée. Même dilemme pour Florent Poulard, chef propriétaire à tout juste 30 ans de Monsieur P., un petit restaurant au cœur de Lyon : rester ouvert le soir, au risque d’alourdir ses pertes, ou non ?

Il proposera “une petite formule de 18 heures à 19 heures, sans entrée” et fermera à 20 h 30. “Mais si on fait dix couverts à 20 euros, c’est plus rentable de fermer que d’être mi-ouverts, […] on verra si c’est viable en fin de semaine prochaine.” Son établissement a ouvert le 5 février 2020, cinq semaines avant le confinement, à proximité du beau théâtre des Célestins. “On sauve les meubles mais nous avons un endettement énorme, on creuse encore la dette et on n’a pas de trésorerie”, s’alarme M. Poulard, qui fait les 3/5e de son chiffre d’affaires le soir.

“Comment passer de deux services à la moitié d’un ?”, demande Laurent Saturnini, gérant du Relais Corse, qui sert de la charcuterie fine insulaire sur l’une des principales artères de Marseille, l’avenue du Prado. “C’est la galère, est-ce que les gens vont accepter de se mettre à table à 18 heures 30, alors que c’était plutôt l’heure où ils venaient prendre l’apéro ?” M. Saturnini, qui emploie 23 personnes dans son restaurant d’une cinquantaine de couverts, d’ordinaire ouvert jusqu’à 2 heures du matin, se désole de devoir “amplifier” le chômage partiel.

“On est en train de nous ruiner”

L’instabilité de la situation à Marseille le désespère : après les deux mois d’inactivité du confinement, les restaurants ont dû baisser le rideau à 23 heures… puis refermer pour une semaine, fin septembre. “On n’y comprend plus rien. On ne sait pas comment gérer nos stocks, c’est très compliqué”, déplore-t-il. Sur le rond-point de la Castellane, le gérant du bar brasserie Castell York (qui ne souhaite pas être nommé) devra, la mort dans l’âme, “supprimer le service du soir” et mettre au chômage partiel ses quatre employés, même s’il essaiera “d’étaler une partie de leurs horaires sur la journée pour moins les pénaliser”. Il n’a reçu “aucune aide de l’État pour l’instant”.

Un peu plus loin, au restaurant italien La Mère Buonavista, Stain Roman ne décolère pas contre les annonces du président : “Je n’ai jamais vu ça en 50 ans que je suis ici”. “On va fermer le soir : qu’est-ce qu’on peut faire d’autre ? Il faut que nos employés soient dehors à 21 heures”, s’emporte la septuagénaire, qui dit avoir perdu 60 % de son chiffre d’affaires depuis l’épidémie. “On tape sur les petits et les supermarchés très fréquentés restent ouverts, s’insurge la restauratrice. On est en train de nous ruiner”. Le gouvernement a annoncé jeudi une série de mesures pour soutenir les indépendants, en particulier les secteurs pâtissant du couvre-feu.

Konbini avec AFP