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Rencontre : Paul Vincent ou le succès d’un jeune cuisinier en candidat libre

Rencontre : Paul Vincent ou le succès d’un jeune cuisinier en candidat libre

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Par Pauline Giacomini

Publié le

Alors que son restaurant Le Chat Ivre ne désemplit pas, ce Lyonnais d’origine nous raconte sa vision de la cuisine.

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À l’occasion de la sortie de son livre Le cuisinier en candidat libre publié aux éditions Marabout, Paul Vincent est venu nous parler de son expérience, de convivialité, de complicité et de technique. Après avoir passé le CAP cuisine en candidat libre en 2013, il a en effet nourri une volonté de transmettre avec simplicité ses conseils de jeune cuisinier. Un seul mot d’ordre à sa table : le partage.

Club Sandwich : Peux-tu rapidement nous raconter ton histoire ?

Paul Vincent : Je m’appelle Paul, j’ai 27 ans et, avec mon équipe, je suis à la tête des restaurants Le Chat Ivre et Rivoluzione à Paris. Il y a 10 ans, à Lyon, j’ai passé mon bac et commencé des études de droit. Après une première année, puis une deuxième première année, j’ai dit stop à toute cette mascarade pour revenir à ma vraie passion : la cuisine. J’abandonne définitivement les études et je pars en Australie et en Nouvelle-Zélande. Là-bas, j’ai eu une sorte de choc culinaire et j’ai pris une claque au niveau de la restauration de manière générale. Tout ce que l’on mangeait était bon et on le mangeait dans de super conditions. J’ai vraiment eu une révélation : il faut que je fasse ça et je vais faire ça, je vais monter mon propre restau.

Je suis rentré en France en 2012, j’ai continué à bosser dans la restauration à Paris, puis je suis devenu responsable d’une brasserie. J’ai continué de faire de la salle jusqu’à maîtriser les fondamentaux de la gestion de restaurant, en plus de ma passion pour la cuisine. À la suite de cette expérience d’un an et demi, je décide de monter le Chat Ivre et de passer le CAP cuisine en candidat libre pour obtenir la technique et la rigueur nécessaires en cuisine.

Depuis quand rêves-tu d’être cuisinier ?

Depuis toujours. J’ai commencé mes études de droit inconsciemment pour faire plaisir à mon père, mais au fond de moi, je savais que je voulais faire de la restauration et ouvrir mon propre restaurant. Moi j’ai toujours aimé ça, déjà au lycée, j’aimais cet univers et j’y retournais chaque été pour travailler. Avec la cuisine, on passe un moment, on partage des choses.

Qu’est-ce qui t’a poussé à passer ton CAP cuisine en candidat libre ?

J’ai toujours aimé manger et cuisiner le produit. Cependant, j’avais besoin de cette approche beaucoup plus théorique et rigoureuse. Le CAP représentait la caution sérieuse pour enfin mettre un pied en cuisine.

Comment t’es-tu préparé pour cet examen ?

Comme tous les apprentis, j’ai acheté La Cuisine de référence, un bouquin qui fait 500 pages de papier de bible. C’est un condensé de recettes ultraringardes et kitsch qui n’ont probablement jamais été modifiées depuis l’écriture. Mais je n’avais pas le choix, pour réussir l’épreuve théorique, je devais l’apprendre. Pour la pratique, il faut se trouver un restau pour s’entraîner et voir une première fois les gestes. C’est important, je pense, d’être accompagné par un cuisinier professionnel. J’étais personnellement chez mon oncle à Montreuil, dans une brigade de 5 ou 6 cuisiniers.

Qu’est ce que ça t’a apporté ?

Je suis sorti du CAP, je me suis dit “Ça y est, j’ai appris les notions classiques. C’est cool, mais ça ne m’excite pas plus que ça.” C’est en cuisinant que j’ai appris à jouer avec ces méthodes. Par exemple, je sais faire un bourguignon : je fais braiser ma viande et après je fais mon bourguignon. Or, si tu t’en tiens au même procédé mais que tu changes quelques ingrédients, tu obtiens un plat complètement différent et c’est parti, tu te fais plaisir. Tu laisses parler ton imagination et tu crées ta propre recette. Dans une blanquette de veau, tu remplaces la crème par du lait de coco, tu mets du gingembre à la place du citron. Ça te change le plat, mais en soi, le procédé de la recette reste le même. C’est ça que j’ai voulu montrer dans mon livre.

Comment t’es-tu retrouvé à écrire un livre de recettes ?

À la suite de mon CAP, j’ai rencontré Hachette et leur ai dit : j’ai passé le CAP cuisine en candidat libre et j’ai rencontré un vrai problème, le livre est beaucoup trop ringard. On n’a pas envie de le lire. Il faudrait en fait apporter une version moderne. On a donc essayé de trouver un axe, on s’est mis d’accord. On l’a modernisé sans le dénaturer. Je me suis vraiment inspiré de mon expérience. Dans le premier chapitre, tu apprends les gestes de base, comment utiliser certains produits, comment les découper, les respecter, quel est le matériel nécessaire pour démarrer. J’essaye de rendre l’apprentissage ludique avec une évolution dans la complexité.

Quand est-ce que tu as ouvert ton restaurant ?

J’ai ouvert Le Chat Ivre il y a maintenant 3 ans. Ici, tout repose sur le partage, l’objectif est clairement de passer un bon moment. Il suffit d’un bout de comptoir ou de table avec tes potes, de la bonne cuisine, un peu de bruit et du monde autour. C’est ce qu’on a fait au Chat Ivre. Tu viens pour boire un verre au début, tu prends ta petite assiette et tu te rends compte qu’à 2 heures du mat, tu es encore là, à danser sur les tables. J’ai voulu créer un endroit où j’adorerais aller avec mes potes tous les week-ends. Aujourd’hui, je suis heureux de me rendre compte que c’est ce que j’ai réussi à créer. Voir tes potes dans ton restau tous les week-ends, c’est un accomplissement.

Quelle est ta recette préférée du livre ?

Le gigot d’agneau. Elle permet d’apprendre à rôtir un gigot, l’assaisonner et nourrir la viande pendant sa cuisson. Je propose aussi sa version “hors piste” pour le préparer façon méchoui. J’apprends aussi à réutiliser ses restes dans un pita pour un kebab fait maison par exemple.

Quels chefs ou personnes de ton entourage t’inspirent ?

Mon oncle qui est chef. Il a désormais un restau à Londres qui s’appelle Tratra. Je l’admire beaucoup parce que c’est lui qui m’a transmis le goût de cette cuisine de partage. Tu ne fais pas quelque chose pour la beauté ou pour le chichi, mais pour le goût et pour faire plaisir. C’est un mentor.

Des projets à venir ?

En cuisine, il faut savoir s’adapter et beaucoup se remettre en question. Aujourd’hui, à 27 ans, ça fait trois ans que je tiens Le Chat Ivre, la clientèle va forcément changer et donc à moi de m’adapter et de créer quelque chose plus en accord avec mon âge. Je n’ai pas encore de projets bien précis, mais à partir du moment où j’ai l’impression de ne plus rien apprendre, il va falloir que je trouve un nouveau challenge.