L’autre réalité derrière l’appel “à aller cueillir des fraises” avec les agriculteurs

L’autre réalité derrière l’appel “à aller cueillir des fraises” avec les agriculteurs

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Par Robin Panfili

Publié le

Derrière le plan de communication et la forte mobilisation, il y a "la vraie vie" et la réalité du terrain.

Ils sont près de 240 000 volontaires à avoir répondu à l’appel du ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, afin de venir en aide au monde agricole français. Un appel enjoignant ceux qui le pouvaient à rejoindre la “grande armée de l’agriculture française” et ainsi faire face à la pénurie de main-d’œuvre liée au confinement instauré contre le Covid-19.

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Si l’appel a rencontré un franc succès, avec plus de 240 000 volontaires, on y voit aujourd’hui plus clair sur la réalité de cette grande opération de soutien aux agriculteurs et producteurs français. D’abord, tous les candidats n’ont pas été amenés à enfiler des bottes pour ramasser fraises, salades et asperges, puisqu’une partie des volontaires ont été renvoyés vers la filière agroalimentaire. Une façon d’aider “toute la chaîne logistique”, expliquait le ministre.

“Un coiffeur qui n’a plus aucune activité, ne peut-il pas aller faire du travail dans les champs, ramasser les fruits, les fraises, aller dans une entreprise agroalimentaire, mettre des yaourts dans des boîtes ?”

Inexpérience et rendement réduit

Dans les champs et vergers, l’image de volontaires joyeux, motivés et enclins à venir en aide aux producteurs ne correspond pas vraiment à la réalité des faits. Les producteurs, qui ne peuvent plus compter sur les saisonniers étrangers bloqués aux frontières et qui manquent ainsi de main-d’œuvre, ont pu compter sur quelques bonnes âmes venues leur prêter main-forte. Pour la bonne cause, pour se faire un peu d’argent ou parfois juste pour se “déconfiner”. Une bonne nouvelle, certes, mais que les acteurs du monde agricole nuancent.

“Avec des gens non expérimentés, il y a un problème de rendement, mais surtout, la cueillette prend plus de temps : au lieu de finir à 12 heures, on termine à 15 heures, voire 16 heures”, s’inquiète Patrick Jouy, fraisiculteur à Sainte-Livrade-sur-Lot (Lot-et-Garonne), dans une passionnante enquête de Reporterre.

“Résultat : la récolte ne peut partir que le lendemain. Pour un produit à la durée de vie très limitée, on perd une journée de fraîcheur. Ça sera encore plus problématique quand il commencera à faire chaud.”

Dans son exploitation, plusieurs volontaires sont déjà partis. D’autres ont prévenu qu’ils ne resteraient pas au-delà du confinement… alors que la saison peut s’étendre jusqu’à juillet. Car si le travail est difficile et éreintant, qui plus est dans des “tunnels” où les températures explosent l’été, il est aussi parfois difficile pour les volontaires de se déplacer ou de se loger à proximité des exploitations.

D’autres s’inquiètent de l’afflux de personnes fragiles, à l’image de retraités prêts à venir dans les champs, alors qu’ils figurent parmi les populations les plus à risque face au virus. Tout ça, ce ne sont que des effets d’annonce. Le ministère incite des horticulteurs, des paysagistes à venir nous donner un coup de main, mais nos métiers n’ont rien à voir”, explique Laurent Renaud, directeur du Cadran de Sologne, à Reporterre.

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