AccueilLifestyle

Le délicieux (et périlleux) défi des grands pâtissiers face aux fruits de saison

Le délicieux (et périlleux) défi des grands pâtissiers face aux fruits de saison

Image :

© Fauchon

avatar

Par Konbini Food

Publié le

"Les fraises en serre chauffée, c’est une catastrophe écologique."

Chez la pâtissière parisienne Claire Damon, les gâteaux à la fraise inaugurent le printemps avec un mois de retard cette année. Il a fait froid en avril et la jeune femme n’utilise que des fruits de plein champ. Même si les aléas de la nature compliquent sa vie de cheffe d’entreprise et l’organisation des équipes, Claire Damon préfère travailler les fruits pour leur côté vivant plutôt que le chocolat, un choix qu’on lui déconseillait à ses débuts mais qui l’a rendue célèbre.

À voir aussi sur Konbini

Sa tarte aux fraises des bois Fragaria vesca arrivée en boutique vendredi figure parmi les 50 gâteaux de grands pâtissiers qu’il faut avoir goûtés une fois dans sa vie, listés dans le livre d’Hélène Luzin (La Martinière) sorti en avril. “Qu’avez-vous à la fraise ?”, demandaient les clients dans ses boutiques Des gâteaux et du pain ces dernières semaines, alors que fraisiers et tartes ornaient déjà les vitrines de concurrents.

“Les vendeurs sont sensibilisés pour expliquer que quand il fait 2 degrés à la campagne le matin début mai, on ne peut pas en avoir”, raconte-t-elle. “Les fraises en serre chauffée, c’est une catastrophe écologique”, martèle-t-elle. C’est le doux-amer “Pamplemousse rosa”, mariant l’agrume de Corse et la mousse à la rose, qui a fait la transition. Mais les créations à la rhubarbe ont été suspendues après le gel dont a souffert son fournisseur en Picardie.

“Je prends le plaisir de travailler le fruit, c’est frais et cela demande beaucoup de personnalité. On fait entre 100 et 200 kg de pamplemousses par semaine, on a une manière particulière de les zester, de lever les segments. Le confisage de la peau prend entre une semaine et quinze jours, détaille-t-elle. Nos citrons, nos pamplemousses ne sont jamais les mêmes. Le taux de sucre et l’acidité évoluent, cela a des répercussions sur les recettes et demande une grosse connaissance.”

Les apprentis se bousculent pour son expertise sur la saisonnalité et le savoir-faire autour des fruits, des valeurs incontournables pour réussir dans le métier. Gourmande, réconfortante et accessible, la pâtisserie est un excellent vecteur pour les transmettre. “Il y a un engouement absolument incroyable pour la pâtisserie en France”, dit Hélène Luzin. “Tout le monde peut acheter un gâteau” d’un grand pâtissier tandis qu’un repas chez un chef étoilé est beaucoup moins accessible, ajoute l’autrice, dont le précédent livre était dédié aux 50 “grands plats”.

Le Collège culinaire de France, qui regroupe plus de 2 500 restaurants et producteurs, a tenté cette année de sensibiliser à l’absurdité des gâteaux de Saint-Valentin utilisant fraises et framboises. Totalement hors saison. “Il ne faut pas jeter la pierre. On amène ce changement en expliquant, pas en culpabilisant”, souligne Claire Damon.

Même son de cloche chez François Daubinet, pâtissier de Fauchon. Si lui-même ne déroge pas à la règle de la saisonnalité, il comprend que d’autres s’en passent. “Les desserts à la framboise restent les plus vendus au monde, du 1er janvier au 31 décembre. On ne rattrape pas ce chiffre d’affaires si on ne fait pas les fruits rouges en février”, explique-t-il.

Cité dans 50 gâteaux de grands pâtissiers pour sa tarte gianduja noisette, c’est sur le tamarillo, fruit originaire de la Cordillère des Andes et depuis peu cultivé dans le sud de la France, que porte sa dernière création. La recette du dessert au tamarillo, hybride de la tomate et du fruit de la passion, a été présentée sur la plateforme numérique Becs sucrés mise en place pendant le confinement pour que les abonnés puissent le reproduire chez eux.

“Mon rôle, c’est aussi de faire découvrir” tout en rendant la recette faisable, souligne-t-il. Pour décorer ce gâteau, il fait un “papier de fruit” croustillant, un mélange d’eau de purée de tamarillo, desséchée dans le four. Pour la couleur, il utilise la poudre d’hibiscus. “C’est 100 % fruit et une démarche naturelle”, se félicite-t-il.

Konbini food avec AFP