Bac de français : on te sauve si t’as pas lu Les Fleurs du Mal de Baudelaire

Un guide pour déprimer mieux et plus vite

Bac de français : on te sauve si t’as pas lu Les Fleurs du Mal de Baudelaire

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Par Michel Sarnikov

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Un résumé et surtout des clés pour mieux comprendre l’œuvre de Baudelaire.

Tu as “oublié” de lire Les Fleurs du Mal, et le bac de français, c’est demain ? Pas de panique, on te résume le livre, et au passage, on te donne quelques pistes de lecture qui feront, à n’en point douter, leur petit effet auprès des interrogateurs.

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Alors…

Dans la famille “poètes qui foutent le seum”, on fait difficilement mieux que Charles Baudelaire. Bon, en même temps, sa vie, ça commence mal : tout jeune, il se balade dans le quartier latin, en bon dandy, il mène sa petite routine bien décadente, bien “faites tourner l’opium”, et cette routine, il la mène tellement bien qu’un jour, il chope la syphilis.

Tout ce que vous avez besoin de savoir sur la syphilis, c’est que c’est une maladie sexuellement transmissible et que c’est grave, surtout à l’époque, sans les antibiotiques. On est donc sur quelqu’un de super malade et super triste : la recette parfaite pour un génie littéraire.

Et, en effet, le poète façonne la poésie moderne en profondeur, en particulier avec Les Fleurs du Mal, recueil publié en 1857.

Ça parle de…

La ville, et surtout du Paris, de ses boulevards haussmanniens, de ses foules, de l’ennui, de la solitude, de la nuit, de la modernité, de ses vices – à tel point que le recueil a été en partie censuré à sa sortie. On est bien loin du romantisme qui s’émerveille devant un ciel bleu et des petits oiseaux : non, chez Baudelaire, c’est lundi, il fait moche et le métro est bondé.

Bref, ça ne va pas top top, et dans Les Fleurs du Mal, Baudelaire nous explique pourquoi en six sections.

D’abord, il y a “Spleen et Idéal”. D’office, le poète nous met sous le nez les deux forces qui s’affrontent et se complètent en lui : d’un côté, le spleen, c’est-à-dire l’ennui profond, la solitude liée à la ville et l’angoisse de l’existence même. C’est une sorte de grande tristesse latente, décrite dans le poème “Spleen”. Vraiment la base pour les jours où l’on se sent un peu émo :

“Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l’horizon embrassant tout le cercle
II nous verse un jour noir plus triste que les nuits.”

Incroyable. Et face au spleen, donc, l’idéal : la beauté parfaite vers laquelle on tend, du fond du gouffre, et qui nous tient en vie, qui nous donne espoir. Le poème “La Beauté”, par exemple, montre l’importance du dialogue entre la noirceur du spleen et la lumière de l’harmonie, de la perfection.

Ensuite, il y a les “Tableaux parisiens”. Comme convenu, c’est une peinture de Paris, de sa modernité nouvelle, de ses habitants, de ses nuits. Comme souvent dans la littérature du XIXe siècle, elle est décrite à la fois comme une créature fascinante et un monstre terrifiant. Mention spéciale pour le poème “À une passante”, parce que qui n’est jamais tombé amoureux d’un passant ?

Puis il y a “Le vin” : en gros, c’est Charles qui se la colle. Mais attention, il ne se la colle pas comme vous et moi : le vin l’inspire, le libère, transcende ses vers, sa pensée, son âme. Il permet d’échapper au spleen et d’accéder à une beauté supérieure à travers les plaisirs terrestres. Baudelaire se met donc une mine avec poésie, mais aussi avec précision, puisqu’il en profite aussi pour faire l’inventaire de ses vins préférés.

Après cet interlude enivrant, si je puis me permettre, Baudelaire décuve et entre dans le vif du seum avec les “Fleurs du Mal”. Grosse, grosse déprime : le poète voit tout en noir. La mort, la solitude, la maladie sont omniprésentes. L’univers n’est que cruauté, le monde n’est qu’angoisse. Si, par exemple, vous parvenez à lire “La Destruction” sans vous dire “j’avoue, c’est pas faux”, c’est que tout va bien dans votre vie. Et sinon, c’est sans doute le moment de commencer une thérapie.

S’ensuit “Révolte” où, par le biais de motifs religieux, le poète dénonce l’hypocrisie et la corruption de la société qui, contrairement à l’art, ne permet pas à l’individu d’exister pleinement. Comme toujours, le poète semble fasciné par le bien, tout en étant attiré par le mal.

Enfin, il y a “La mort”, une réflexion sur la fin de toute chose, de l’amour, de l’art, du monde. Mais contrairement à ce qu’on pourrait imaginer avec la tendance dépressive de Charles, cette idée, bien entendu très angoissante pour le poète, est aussi pleine d’espoir : la mort ne s’impose pas comme quelque chose de tragique mais comme un nouveau départ. Les derniers vers du dernier poème du recueil, “Le Voyage”, en attestent :

“Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu’importe ?
Au fond de l’Inconnu pour trouver du nouveau !”

Et c’est intéressant parce que…

Baudelaire est un “parfait chimiste”.
En général, dès qu’il faut parler des Fleurs du Mal, la métaphore du bouquet s’impose un peu, parce que c’est une question d’équilibre, de balance, d’harmonie, entre le beau et le laid, la tristesse et l’espoir, la lumière à l’obscurité, etc. Le poète met sur le même plan des sujets a priori incompatibles, et ce dès le titre, pour en extraire de nouveaux sens. C’est pour cela que le poète écrit en annexe qu’il est un “parfait chimiste”.

Il transforme “la boue en or”.
La boue dans la ville, dans les cœurs, dans sa propre âme, il s’en saisit et la sublime. Il transforme le laid en beau, le mal en bien, le bas en haut, le marginal en central. Ce pourrait être la quête du poète, de “traduire”, en quelque sorte, de “déchiffrer” ce qui nous entoure et de nous en montrer la beauté. Baudelaire lui-même se donne ce rôle, comme Hugo se l’est donné ou comme Rimbaud se le donnera.