On a discuté avec celle qui a parcouru l’Italie en train (et elle nous a filé ses bons plans)

On a discuté avec celle qui a parcouru l’Italie en train (et elle nous a filé ses bons plans)

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Par Robin Panfili

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Elle nous livre quelques itinéraires en train à ne pas manquer, à travers le plus beau pays du monde.

L’Italie est un pays magnifique, mais que l’on pense peu à arpenter en train. Et pourtant, ce moyen de locomotion réserve de belles surprises. C’est en tout cas ce que l’on a compris en lisant, récemment, le dernier livre de la journaliste et autrice Lucie Tournebize, également envoyée spéciale de l’autre côté des Alpes pour Konbini food. Dans L’Italie en train, elle nous offre l’occasion de découvrir l’Italie autrement, plus lentement et plus humainement, grâce à dix-huit itinéraires allant de cinq à quatorze jours de voyage. On est allés lui poser quelques questions… et lui soutirer quelques bons plans.

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Konbini food | Salut Lucie, comment l’idée du livre est née dans ton esprit ?

Lucie Tournebize | Depuis que je vis en Italie, j’ai énormément pris le train. Ça a été ma première approche du pays : on se pointait à la gare le samedi matin avec un sac à dos, on regardait le tableau des départs, et on partait pour la journée ou le week-end. C’est comme ça que j’ai découvert les environs de Rome, que j’ai fait du camping sauvage à Gaète, que j’ai été me promener dans les Castelli Romani, des villages perchés sur les montagnes autour de la ville. J’avais aussi des amis dans les Marches et j’ai souvent traversé les Apennins en train régional de Rome à Ancône, un périple long et spectaculaire – surtout quand il se met à neiger en altitude, alors qu’il fait chaud sur la côte.

“Je prenais le train régional vers Naples et Salerne, celui qui met trois heures mais qui coûte 12 euros, systématiquement blindé le vendredi soir”

Ma deuxième année à Rome, c’est à Naples et Salerne que j’allais tout le temps. Je prenais le train régional, celui qui met trois heures mais qui coûte 12 euros, systématiquement blindé le vendredi soir, mais où j’ai fait des rencontres que je n’aurais pas pu faire autrement. On a même fait une colo en train avec trois amis : on a embarqué un groupe d’ados de toute la France en train, via Rome, Naples et la Sicile. Ce voyage m’a beaucoup marquée, j’ai adoré l’expérience de transmettre une manière de voyager à des jeunes, et je ne suis pas près d’oublier le retour de Naples à Vichy en 25 heures de train pour ramener mon groupe à leurs familles.

Il faut dire que, au-delà du train, la voiture, en Italie, c’est un sujet délicat…

Quand j’ai commencé à écrire pour des guides de voyage, je me suis retrouvée en Sicile, au volant d’une Fiat 500, à explorer l’île de Palerme à Catane. L’approche est complètement différente. Même si j’ai vu des endroits magnifiques, j’ai trouvé ça très stressant. En Italie, les routes sont souvent difficiles, étroites, à flanc de montagne, sinueuses… et puis il y a la fameuse conduite des Italiens, pour qui le Code de la route est souvent sujet à une libre interprétation des utilisateurs [rires]. Du coup, je cherche toujours le moyen de faire le maximum de choses en transports en commun.

“En Italie, les routes sont souvent difficiles, étroites, à flanc de montagne, sinueuses… et puis il y a la fameuse conduite des Italiens, pour qui le Code de la route est souvent sujet à une libre interprétation des utilisateurs”

C’est comme ça que je me suis rendu compte qu’en fait, on pouvait faire énormément de choses en train. Bien plus que ce qu’on pourrait croire en écoutant les Italiens, très critiques vis-à-vis de leur réseau de transport ferroviaire. C’est comme ça que l’idée d’écrire un guide avec comme fil rouge le train a commencé à faire son chemin.

Comment tu as organisé tous ces voyages ?

J’ai commencé par définir des itinéraires, je voulais en proposer un par région pour vraiment couvrir tout le pays. Au final, il y en a 18 qui vont partout, même sur les îles. Même si je connaissais déjà certains voyages, il a fallu aller sur place. J’avais tout organisé à la perfection (ou presque) quand le confinement a débarqué. Forcément, j’ai annulé tous mes voyages et j’ai attendu de pouvoir partir. L’été 2020 a été dingue, j’ai enchaîné les voyages pour couvrir en un temps réduit tous les lieux que je voulais voir.

Par quelle région tu as commencé ?

Je suis descendue en Calabre avec la Freccia, le train à grande vitesse qui traverse tout le pays et qui permet vraiment de voir changer le paysage de façon progressive. Je me suis baladée de gare en gare le long de la côte, en remontant vers Naples, avec des arrêts dans le Cilento, une région que je ne connaissais pas. Puis j’ai retrouvé mon copain, qui est sarde, et on a pris le bateau pour Cagliari. On a traversé toute l’île en transports en commun. C’est là qu’on a le plus galéré, je pense, surtout quand on a voulu aller à Carbonia, que le train s’est arrêté à peine sorti de la gare, puis de nouveau en rase campagne et qu’on a fini par attendre un bus dans la pampa. Une femme m’a dit : “Je le prends tous les week-ends, c’est une odyssée à chaque fois.” J’ai préféré ne pas mettre Carbonia dans le livre. Idem en Calabre, certaines villes sont posées sur un littoral si beau que sur Google, on ne voyait que des photos de plages de rêves, alors que sur place, c’était des barres d’immeubles décatis au bord de la mer (très belle, certes). C’était indispensable d’aller sur place pour écrire ce livre, et ne sélectionner que des coups de cœur ou des lieux qui valent vraiment le coup.

“Il y a le plaisir esthétique de traverser des paysages sublimes, mais aussi le côté humain, les rencontres qu’on peut faire”

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En quoi l’Italie se prête particulièrement aux voyages en train ? Et pourquoi tu conseillerais aux gens de découvrir l’Italie, aussi, par le train ?

Si je conseille de voyager en train, c’est pour la somme d’expériences que ce moyen de transport permet de vivre : il y a le plaisir esthétique de traverser des paysages sublimes, mais aussi le côté humain, les rencontres qu’on peut faire, le contact qu’on a avec les autres, et que la voiture ne permet pas vraiment. Et puis, si on veut parler d’impact du voyage sur l’environnement, le train est forcément gagnant, d’autant plus qu’on peut arriver en Italie par le train depuis la France et la Suisse assez facilement. Parmi tous les itinéraires du livre, j’ai vraiment beaucoup aimé celui en Ombrie, que j’ai trouvé incroyablement reposant, et qui permet d’enchaîner les lieux sublimes, en buvant un verre de rosé et en mangeant une tranche de prosciutto di Norcia entre les deux.

“Pour moi, l’itinéraire gourmand par excellence, c’est bien sûr l’Émilie-Romagne”

Pour bien manger, quels sont tes itinéraires en train favoris ?

Pour moi, l’itinéraire gourmand par excellence, c’est bien sûr l’Émilie-Romagne. La première partie du voyage est vraiment un pèlerinage gastronomique, avec départ à Parme et son Parmigiano, arrêt à Modène qui n’est pas que la ville du vinaigre balsamique, puisqu’on aime aussi y manger le gnocco fritto (une pâte à pain frite) dès le petit déj, avant de faire un tour sur le marché couvert Albinelli. On continue vers Bologne, ville que les Italiens surnomment “la Grasse” et patrie des tagliatelle al ragù, un de mes plats de pâtes préférés. Mais je recommande aussi les Marches, région qui s’étire le long de l’Adriatique entre collines et plages de sable. On y mange des pâtes aux fruits de mer à toutes les étapes – mention spéciale pour la pasta coi moscioli (les moules, en dialecte) à goûter directement sur le port, à Ancône – et on finit par Ascoli Piceno, ville des olives ascolane et d’un street-food qui me rend dingue. Il s’agit d’une olive fourrée de viande hachée, panée et frite, servie toute chaude, en cornet. On en trouve aussi à la truffe, avec une panure noire et un parfum de malade.

“J’ai vraiment changé de regard sur la gastronomie italienne et sur ma façon de cuisiner après être allée en Sicile”

Dans le livre, tu parles aussi de la Sicile…

J’ai vraiment changé de regard sur la gastronomie italienne et sur ma façon de cuisiner après être allée en Sicile, où j’ai découvert de nouvelles façons d’associer les ingrédients, le sucré/salé ou encore les fruits secs. Sur les marchés, à Catane, on va voir les espadons se faire couper en morceau, ça sent la friture, on chope des sarde a beccafico à peine sorties de l’huile (sardine entière pannée et frite – oui, encore des trucs frits), c’est une ambiance très particulière. Puis en faisant le tour de l’Etna, j’ai goûté à la pistache de Bronte, et depuis, je veux mettre de la pistache dans tous mes plats, c’est une obsession. Puis en Sicile, il y a les douceurs, c’est vraiment la région la plus intéressante pour le sucre : rien qu’au petit déj, on se commande une granità aux fruits frais couverte de panna et une brioche ronde toute chaude, avec un café très noir. Évidemment, en Italie, on mange très bien partout, et je pourrai aussi citer le voyage en Campanie, sur les terres de la mozzarella di bufala, ou le Piémont où, en plus des spécialités que j’adore, comme la bagna cauda ou les agnolotti, on boit vraiment très, très bien.

L’Italie en train par Lucie Tournebize
À commander ici.