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On a discuté avec celui qui a parcouru la France pour goûter les meilleures pâtisseries

On a discuté avec celui qui a parcouru la France pour goûter les meilleures pâtisseries

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Par Robin Panfili

Publié le

Du Pays basque à l’Alsace, il est parti à la rencontre des meilleurs pâtissiers de France et de Navarre.

Il est des gourmands curieux, et d’autres intrépides, prêts à remuer ciel et terre pour goûter à de nouvelles saveurs. Il est même des becs sucrés prêts à traverser la France de long en large pour goûter aux meilleurs desserts, pâtisseries et trésors cachés de notre patrimoine, afin de leur rendre hommage. Le journaliste François Blanc est l’un d’eux. Après une carrière dans la presse musicale – il est l’un des premiers en France à avoir interviewé Lana Del Rey, notamment – et une exploration en profondeur des pâtisseries parisiennes pour un premier ouvrage remarqué, il s’est mis en tête de sillonner la France, du Pays basque à l’Alsace, en vue de recenser ce qui se fait de mieux en matière de sucré. Alors, évidemment, on avait quelques questions à lui poser.

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François, tu as déjà écrit plusieurs livres sur la pâtisserie et le monde de la gastronomie. Comment t’es-tu décidé à faire tes valises et partir à la découverte des meilleures pâtisseries de France, en dehors de Paris ?

Ça faisait quelques années que j’échangeais avec les éditions Ducasse autour de différents projets. Mon idée initiale était de faire un vrai guide d’adresses sucrées, parce que ça n’existe toujours pas et que les gros guides, même modernes, n’en ont absolument rien à foutre de la pâtisserie – toujours le dernier maillon de la chaîne gastronomique. Ça a même failli s’appeler le Guide Blanc, comme mon nom mais aussi comme une couleur qui évoque le sucre – enfin moi, ça m’évoque autre chose.

C’était ton idée ?

Non, l’idée n’était pas de moi, promis. Finalement, le projet a muté au fur et à mesure d’échanges et c’est devenu Le Paris des Pâtisseries, mon premier livre sorti en septembre 2020, croisement entre un guide d’adresses intra-muros et un livre de recettes. Ce premier tome a appelé la suite, qui vient de sortir, La France des Pâtisseries, avec des photos de Laurent Dupont. C’est le même format, gros bouquin à faire parader dans son salon, cinquante adresses, cent recettes, des photos de villes glissées entre les photos de gâteaux pour donner l’impression d’une excursion à travers le pays. Et ce coup-ci, pas de Paris, pour prouver que la révolution pâtissière de ces dernières années se passe partout.

© Laurent Dupont

Il faut vraiment être passionné, voire obsédé, par la gastronomie pour se lancer dans un tel projet ?

C’était avant tout une passion, j’adore cuisiner et manger, petit je mangeais de l’andouillette au restaurant avec ma mère au lieu du steak haché-frites, ado j’avais même réquisitionné un placard de la cuisine parentale pour ranger mes nombreuses épices. Et c’est devenu mon job donc, un job pas désagréable qui consiste à passer sa vie au restaurant ou dans des pâtisseries pour manger. Le rapport entre le monde de la gastronomie et les journalistes est passionnant, parfois houleux, rendu plus tendu par l’ère des influenceurs, mais on ne s’ennuie pas et c’est le métier rêvé.

Pour choisir les pâtisseries, comment tu t’y es pris ?

À Paris, c’était facile, je connaissais tout par cœur. En France c’est forcément plus compliqué, alors je me suis fié à ce que j’aimais et j’ai parfois aussi fait confiance à des proches ou profité de vacances pour goûter plein de choses. Instagram aide aussi à déblayer le terrain de jeu. Ça permet de découvrir des choses à l’autre bout de la France pour pouvoir aller les goûter sur place sans se lancer à l’aveugle. Je voulais aussi montrer ce que vaut la nouvelle génération et ne pas collectionner les MOFs et les maisons bien installées depuis des décennies.

“C’est devenu mon job donc, un job pas désagréable qui consiste à passer sa vie au restaurant ou dans des pâtisseries pour manger.”

Tu t’es fixé un cahier des charges ?

Je me suis mis plein de petites contraintes, comme le fait d’avoir à chaque enseigne une recette simple et une recette plus élaborée. Il me fallait aussi des spécialités régionales, sans que tout le livre ressemble à un recueil rustique. Il faut aussi que les recettes ne se ressemblent pas entre elles. Et il y a même des “pas-à-pas” dans le livre, quelques recettes avec un procédé expliqué photo par photo. Parfois le labo des chef.fe.s était trop petit, parfois en pleine production et fourmillait d’activité. Tout un casse-tête à régler.

Faire des choix, et ne sélectionner qu’un nombre réduit de desserts, ça doit être parfois difficile. Comment est-ce qu’on arbitre dans ce cas ?

C’est le résultat du fameux casse-tête dont je viens de parler. J’ai souvent pensé à l’équilibre du livre pour pouvoir faire le tri et me décider. Parfois les pâtissiers.ères m’ont bien aidé aussi. Par exemple avec Pascal Hayotte à Marseille, je lui ai demandé s’il avait une spécialité régionale en tête, il n’avait rien en stock, je lui ai dit qu’il pouvait aussi s’amuser avec les traditions de la région, sans rester dans le classique, Il a créé pour l’occasion un cake hommage aux treize desserts provençaux, super idée, super résultat. Ou Pauline Wollf à Strasbourg, une toute jeune pâtissière qui vient de la restauration et a ouvert sa boutique, uniquement avec des femmes. Elle n’avait rien de “traditionnel” en stock mais elle m’a sorti pour l’occasion un “bettleman”, un vieux gâteau alsacien, genre de “bread pudding” fait avec des restes de viennoiseries. C’est rustique et pourtant très beau et délicieux. Certain.e.s pâtissiers.ères m’ont bien facilité la tâche.

© Laurent Dupont

Ça été plus difficile de sillonner la capitale, ou la France entière ?

Le premier livre avait été fait avant, pendant et après le premier confinement. Une époque où on lavait ses courses et où on n’osait pas sortir de chez soi. Heureusement qu’il s’est fait entièrement à Paris, sinon je serais devenu fou. Le deuxième s’est fait pendant le troisième confinement, où on était beaucoup plus détendus. Avec Laurent, le photographe, on a fait des haltes dans des grandes villes du pays où les pâtissiers de toute la région ont eu la gentillesse de venir avec leurs gâteaux. Par exemple, à Nantes, Vincent Guerlais nous a prêté un bout de son laboratoire pour faire venir les pâtissiers de Bretagne et de Normandie, certains ont fait trois heures de route avec leurs gâteaux.

Toute une logistique donc…

C’était un gros stress à organiser tout seul, mais on s’est bien amusé. Et j’ai appris à faire des “attestations de déplacement” à la pelle pour les chef.fe.s qui le voulaient. Ça permet aussi de les voir interagir et c’est toujours passionnant. À Lyon, on a accueilli du monde chez les Dorner, deux jeunes frères qui sont en train de réveiller la pâtisserie de la ville. C’était très amusant de voir ces petits jeunes émerveillés de voir débarquer des pointures, comme Philippe Rigollot, MOF et champion du monde de pâtisserie venu d’Annecy, ou Sébastien Vauxion, seul chef pâtissier étoilé de France pour son restaurant de dessert à Courchevel (deux étoiles).

“On a fait des haltes dans des grandes villes du pays où les pâtissiers de toute la région ont eu la gentillesse de venir avec leurs gâteaux.”

Et du stress ?

Beaucoup de stress, oui, mais plein de moments assez inoubliables. C’était sportif : arrivée à l’aube, têtes de déterrés, nuits passées où on peut. Sur une des étapes, un ou une pâtissière que je ne nommerai pas m’a mis un vrai taquet. On parlait de producteurs de fruits, je pense qu’on ne s’est pas compris – ma phrase ressemblait plutôt à une banalité pour engager la conversion qu’à un début de polémique. Le ou la cheffe en question m’a répondu que je ne connaissais rien à mon métier. J’étais un peu gêné, j’ai pas mal ri aussi en voyant derrière deux pâtissiers complètement ébahis par ce à quoi ils assistaient. Le ou la même cheffe a d’ailleurs demandé quelques minutes plus tard au photographe s’il pouvait lui faire une photo pour sa pièce d’identité rapidement, alors que le train retour approchait.

Comment les chefs ont perçu cette démarche ?

La grande majorité a été adorable. Les plus “petits” auraient remué ciel et terre pour que cela se passe au mieux. Et pour les plus grands, ceux que je connaissais étaient partants, les autres ont vite été convaincus, ils sont pros, c’est une mise en lumière de leur travail auprès d’un grand public, qui ne coûte rien, et sur une belle maison d’édition.

© Laurent Dupont

Tu as donc tout goûté ?

J’ai tout goûté ou presque, à en être malade à chaque fin d’étape à travers le pays. D’abord parce que c’est le concept de mon métier et que je suis insatiablement curieux. Ensuite parce que c’est indispensable, selon moi, d’honorer le travail des chef.fe.s. Si tu ne goûtes pas, tu ne fais pas ton job. Si j’avais été plus malin j’aurais pu éviter, par exemple, de craquer devant le flan des Dorner alors que 8 chef.fe.s allaient amener seize gâteaux dans la journée. Mais je n’ai jamais prétendu être malin, et je voue au flan un culte sans bornes.

“Un bon dessert ? Si tu kiffes, c’est que c’est bon. En tant que journaliste, par contre, je vais goûter différemment…”

Question plus philosophique mais comment, selon toi, on reconnaît un bon dessert ou une bonne pâtisserie ?

La réponse n’est pas la même entre le passionné et le journaliste. La vraie réponse, la seule qui compte réellement, c’est le plaisir. Si tu kiffes, c’est que c’est bon. En tant que journaliste, par contre, je vais goûter différemment. D’abord une bouchée entière pour avoir la sensation globale du gâteau. Ensuite avec un œil plus analytique. Regarder le cul de tarte pour voir si la pâte est bien cuite, goûter la crème séparément pour voir si je la trouve raisonnablement sucrée ou assez aérienne, goûter le praliné pour savoir si je le trouve assez salé, etc. Mais cette façon de faire fait parfois oublier que la qualité d’un gâteau n’est pas égale à une somme de critères. Pâte bien cuite + crème légère + marmelade peu sucrée, ça ne suffit pas, ça ne prend jamais en compte l’alchimie.

© Laurent Dupont

Si tu ne devais retenir qu’un seul dessert, ce serait lequel ?

Un seul, c’est impossible ! Je pense à la tarte à l’orange de Patrice Ibarboure (Pays basque), avec une marmelade folle et des tranches d’oranges fraîches. Je me suis dit que ça allait être amer et désagréable à mâcher, c’était dingue. Ou la tatin d’Alban Guilmet (Caen), d’une beauté incroyable et tout aussi bonne. Ou la tarte au praliné cacahuètes et à la vanille de Xavier Séjournant (Seine-et-Marne), totalement inconnu mais diablement talentueux.

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