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On a discuté avec la torréfactrice qui fait voyager son café en voilier

On a discuté avec la torréfactrice qui fait voyager son café en voilier

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© Anne Caron

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Par Robin Panfili

Publié le

Un voyage de quatre mois entre la Colombie et le port du Havre.

Chez les Caron, le café est une affaire de famille. Et, depuis 1974, la brûlerie familiale continue de perpétuer un savoir-faire unique. Preuve de cette excellence ? Le titre de Meilleur torréfacteur de France arraché par Anne Caron, en 2017. Elle est alors la toute première femme à obtenir cette consécration. “J’étais très honorée d’avoir pu apporter un peu de féminité dans ce concours à l’origine très masculin“, dit-elle. Aujourd’hui, Anne Caron sélectionne, source et sublime “le travail effectué dans les pays producteurs”. Mais sa démarche ne s’arrête pas là puisque, depuis quelques années, elle s’est décidée à repenser entièrement sa manière d’importer et de faire voyager le café… par voilier. On est donc allé lui poser quelques questions.

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Comment avez-vous eu l’idée de faire voyager votre café par voilier ?

Anne Caron | J’ai entendu parler de ce projet il y a quatre ans et, à cette époque, je n’y croyais pas trop. Ça me paraissait fou et en même temps génial. Finalement, je m’y suis intéressée et je me suis rendu compte que les bases étaient solides, que c’était un projet très sérieux. Et puis, finalement, la vie est pleine de rebondissements car c’est Guillaume Le Grand, le directeur de Towt, la société de transport de marchandises par voilier, qui m’a proposé de torréfier son café dans ma brûlerie au Havre [Cafés Duchossoy, ndlr]. C’est ainsi que notre collaboration a démarré.

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C’était un challenge de repenser ce mode de transport ?

Je n’y croyais pas du tout, donc on peut dire que cette collaboration a été un challenge qui a mis du temps à se mettre en place. La première fois que j’ai entendu parler de voiliers-cargos, c’était en 2017. Quatre ans plus tard, je propose à mes clients un café bio de Colombie qui s’inscrit dans cette démarche responsable. Les bonnes choses prennent du temps. Cet été, quinze tonnes de café on fait la route de Colombie jusqu’au Havre, c’est une première et cela demande beaucoup de logistique puisque c’est inédit ou tout du moins, remis au goût du jour.

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Et en ce qui concerne la logistique ?

Il faut prendre en compte le coût plus élevé des produits, puisque la technique de transport n’est pas encore démocratisée et demande beaucoup d’effort humain en termes de temps de trajet et de pratiques – outre le fait que tous les produits sélectionnés sont bio et issus du commerce équitable. Il est aussi possible de postuler pour faire partie de l’équipage, c’est une aventure humaine avant tout puisqu’ils passent quatre mois à travers les océans.

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D’où provient le café qui voyage ?

Il fallait se positionner sur une seule route maritime bien précise. C’est peut-être l’inconvénient que l’on rencontre pour le moment. Guillaume Le Grand a choisi la Colombie pour ses divers produits bio. Il s’agit d’un café bio grand cru, récolté, lavé et trié à la main, cultivé sur l’un des massifs côtiers les plus hauts du monde. Une vraie pépite !

Pourquoi était-il important pour vous de passer par la voie maritime ?

Aujourd’hui, plus que jamais, il est temps d’apporter de vraies solutions en termes de transition alimentaire. Cette crise sanitaire vient consolider encore plus la volonté des consommateurs de mieux manger et de trouver du sens dans la vie comme dans l’acte d’achat. Ce café-là est certes un peu plus cher mais il offre l’assurance de créer de l’impact, de faire travailler dans la durée des producteurs, de participer à un projet commun, plus grand, plus porteur de valeurs. C’est un produit traçable et transparent, il ne reste que les intermédiaires indispensables, je privilégie ainsi un circuit court.

© Anne Caron

Quelle est la différence avec les autres conteneurs qui arrivent au port du Havre ?

La différence, c’est que le trajet est plus court, plus écologique et n’a pas besoin de ravitaillement de carburant. C’est le futur ! D’ailleurs, les trajets se font sur des vieux voiliers [1916 pour le voilier De Gallant, ndlr] mais d’ici quelques années, ils se feront sur des voiliers-cargos, plus ergonomiques, plus rapides et plus grands. Un chantier de grande envergure.

Le café voyage-t-il bien en bateau ?

Oui, le café voyage bien en bateau et ce serait un non-sens que de le faire voyager autrement. Cependant, les conteneurs et les cargos utilisent l’un des carburants les plus sales au monde appelé pétrole “bunker”. Ce pétrole accélère la formation de particules fines et ultrafines. C’est un moyen de transport très polluant. Le challenge d’aujourd’hui est de démocratiser l’énergie vélique pour ainsi décarboner les routes maritimes. Dans l’avenir, l’idée serait également de pouvoir emprunter les voies fluviales.