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On a discuté avec les Françaises qui ont créé le tout premier œuf végétal

On a discuté avec les Françaises qui ont créé le tout premier œuf végétal

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© Papondu

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Par Robin Panfili

Publié le

Le Papondu est une alternative à l’œuf traditionnel bluffante et pour le moins inédite.

C’est une première dans l’histoire de l’agroalimentaire, mais surtout une jolie histoire. Depuis quelques années, Sheryline Thavisouk et Philippine Soulères concoctent discrètement le tout premier prototype d’œuf végétal, alternative à l’œuf de poule que l’on connaît tous.

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Ces deux jeunes ingénieures françaises se sont rencontrées pendant leurs études, ont partagé une coloc et, aussi, le même intérêt pour l’innovation alimentaire. En 2017, elles se lancent alors dans les premiers essais d’une alternative végétale à l’œuf avant, deux ans plus tard, de consacrer la totalité de leur temps à ce projet : Papondu.

Pour Konbini, Sheryline Thavisouk revient sur les débuts, les galères, les surprises et le futur brillant de cette aventure pas comme les autres.

Konbini food | Comment l’idée d’inventer une alternative végétale l’œuf est née dans votre esprit ?

Sheryline Thavisouk | La première idée, celle née en 2017, était de réaliser un œuf végétal. Une alternative végétale à l’œuf qui le remplace sur son aspect, son goût, mais aussi ses techniques culinaires. Ensuite, au fil du développement du produit et des échanges que l’on a réalisés avec nos futurs consommateurs et nos futurs clients, d’autres idées ont émergé dans le remplacement des œufs. C’est ainsi que le “Papondu battu” est né : la solution qui permet de substituer l’œuf battu en omelette et dans de multiples recettes. Faire des omelettes sans casser d’œufs est maintenant possible.

Quelle était votre volonté initiale ?

Le projet est né d’une addition de constats : une partie croissante de la population souhaite végétaliser son assiette, l’allergie alimentaire la plus représentée chez les enfants est l’allergie aux œufs et l’œuf est absolument partout. On s’était alors demandé comment remplacer l’œuf et on n’a jamais vraiment trouvé de solutions satisfaisantes. Alors, on a voulu apporter cette solution manquante, en mettant au cœur de son développement la santé des consommateurs, le développement durable et l’éthique animale.

“L’œuf est omniprésent en cuisine et peut prendre de nombreux aspects différents puisqu’il existe une centaine de façons de le cuire”

En quoi une alternative végétale à l’œuf vous semble importante dans notre époque actuelle ?

L’œuf est omniprésent en cuisine et peut prendre de nombreux aspects différents puisqu’il existe une centaine de façons de le cuire. Ses diverses propriétés techniques font de lui un ingrédient clé dans les recettes : liant, coagulant, émulsifiant, foisonnant. Ainsi, les Français en consomment 217 chaque année. La production des œufs a donc été optimisée pour répondre à ce besoin.

Le problème, c’est que les procédés d’optimisation n’ont pas toujours pris en compte le bien-être animal – sexage des poussins, conditions d’élevage, sélection des poules productives – et l’écoresponsabilité. Il faut savoir que pour la production d’un œuf c’est 0,2 kg de CO2 émis et pas moins de 200 litres d’eau consommés. C’est aussi l’allergie alimentaire la plus représentée chez les enfants de moins de trois ans.

Combien a-t-il fallu de temps pour obtenir un prototype ? Et combien d’essais ?

Le tout premier prototype remonte à 2018, six mois après la naissance de l’idée. Visuellement, il ressemblait à un œuf, il cuisait seulement au plat et comportait trop d’ingrédients différents à notre goût. Mais ce prototype nous a encouragées à aller plus loin, car cela semblait possible. Il fallait établir la liste des critères auxquels notre produit devait répondre, notamment sur l’origine des matières premières, la naturalité des ingrédients, la qualité nutritionnelle et la polyvalence culinaire. Et pendant trois ans, nous avons amélioré la recette par nos propres moyens.

“On n’a même pas compté le nombre d’essais pour aboutir à notre produit, mais c’est un processus qui a pris plusieurs années”

Et vous avez commencé tôt… avec peu de moyens.

On a commencé le projet étudiantes, avec assez peu de moyens, et on a dû faire preuve d’imagination pour démarrer avec ce que l’on avait à disposition. La cuisine de Philippine s’est transformée en lieu d’expérimentation et nos proches sont devenus nos premiers testeurs. On n’a même pas compté le nombre d’essais pour aboutir à notre produit, mais c’est un processus qui a pris plusieurs années.

On a commencé à communiquer et on a lancé une campagne de financement participatif, ce qui nous a permis de rassembler 600 contributeurs et d’assurer la suite de notre développement avec un laboratoire culinaire français, un vrai cette fois-ci. Aujourd’hui, notre premier produit est prêt à conquérir le marché : il s’agit du “Papondu battu”, une alternative végétale à l’œuf entier, ou “la coule d’œuf” pour les professionnels, donc en remplacement de l’œuf battu.

© Papondu

C’était quoi les contraintes dans la confection de cet œuf qui n’en est pas un ?

Le plus gros challenge a été le développement du produit, car respecter toutes nos exigences n’était pas simple. Mais cela nous tenait beaucoup à cœur. Notre formation nous a préparées à la création de produits alimentaires, mais on est aussi très sensibles à l’impact d’un aliment sur la santé et sur l’environnement. Il nous reste encore beaucoup de défis à relever, notamment la mise au point d’un packaging écoresponsable pour le Papondu sous format “œuf”, mais aussi son industrialisation.

“L’œuf est composé de sept ingrédients d’origine naturelle”

Vous avez aussi appris à devenir des entrepreneuses.

Notre formation d’ingénieures en biologie nous avait préparées à ces challenges techniques, mais on a aussi découvert la partie entrepreneuriale, c’est vrai. Les débuts n’ont pas été simples car on ne comprenait pas du tout le langage entrepreneurial. On nous parlait de “lead”, de “BA”, de “CRM” ou de “valo” et on était un peu perdues. Heureusement, se plonger dans l’écosystème entrepreneurial de Station F nous a beaucoup aidées. Aujourd’hui, nous sommes toujours deux, pour gérer le développement de nos produits, la production, la livraison, le marketing, la communication, la commercialisation, le financement et notre prochaine levée de fonds.

Quels sont les ingrédients qui constituent cet œuf ?

Notre premier produit, le “Papondu battu”, fera prochainement son arrivée dans différents restaurants, puis en distribution. Il est composé de sept ingrédients d’origine naturelle dont une protéine végétale, une fibre végétale et un extrait de légumes pour lui donner sa couleur. Grâce à notre travail sur le choix des ingrédients et la qualité nutritionnelle, nos récentes estimations ont révélé un Nutri-score A et un score Yuka de 90/100. Le “Papondu battu” est donc un excellent produit.

Vous avez été soutenues dès le départ ?

Le point de départ de notre projet, c’est le jour où on a compris qu’il était difficile de remplacer les œufs au quotidien et qu’on pouvait apporter une solution. C’est à ce moment-là qu’on a échangé avec des intolérants et allergiques aux œufs, avec des végétaliens, et que la nécessité d’une alternative végétale à l’œuf était devenue, pour nous, incontournable.

“Au début, les commentaires peuvent être parfois violents, et ce n’est pas facile à entendre ou à lire”

Il y a aussi eu quelques retours un peu rudes…

Évidemment, on a aussi fait face à de nombreuses réactions d’étonnement et d’incompréhension, en direct ou sur les réseaux sociaux. Au début, ce n’est pas facile à entendre ou à lire, car les commentaires peuvent être parfois violents. Mais il faut savoir prendre du recul et se recentrer sur ses objectifs. Toutes les innovations nécessitent du temps pour être acceptées par tous.

Quel est l’objectif prochain ? Une commercialisation large ? Le présenter à des chefs ?

Aujourd’hui, Le Papondu battu arrive en restaurant. Demain, il sera disponible en distribution. Ensuite, l’Œuf Papondu verra le jour. Et sur le long terme, il est prévu que le Papondu dépasse les frontières françaises. Ce sera toujours un plaisir de présenter le fruit de nos travaux à des chefs, découvrir les recettes que Le Papondu leur inspire, et pourquoi pas à Top Chef, qui sait, peut-être la prochaine saison ?

Quels sont les retours que vous avez eus, jusqu’à maintenant, à propos de l’œuf Papondu ? Surprise, étonnement ?

En janvier dernier, on a ouvert un pop-up, avec le restaurant vegan et solidaire Furahaa, afin de faire découvrir notre Fu’Muffin, la version 100 % végétale de l’egg-muffin. Près de 200 personnes ont eu l’opportunité de goûter à cette recette élaborée par l’équipe du restaurant et, verdict, on a reçu que des retours positifs. “Une texture incroyable”, “Ce n’est pas possible, c’est de l’œuf !”, “Bluffant !”, “On sent le goût de l’œuf !”, “Meilleure alternative aux œufs que j’ai goûtée”… C’était un moment de partage fabul-œufs [rires].