Cheval d’Or, ou la naissance d’un resto : épisode 1

Cheval d’Or, ou la naissance d’un resto : épisode 1

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© Sara Bentot pour Club Sandwich

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Par Robin Panfili

Publié le

Épisode 1 : de la difficulté de trouver un lieu à Paris, de le transformer et de se l'approprier.

Cheval d’Or est le nouveau projet de restaurant imaginé par les chefs Taku Sekine (Dersou) et Florent Ciccoli (Pères Populaires, Café du Coin, Bones, Au Passage…). Dans une série de trois épisodes, Club Sandwich vous raconte la naissance de cette nouvelle aventure et les péripéties qui pimentent l’ouverture d’une cantine asiatique populaire à Paris.

Épisode 1 : Chantier, pas de portes et autres petites péripéties
Épisode 2 : Comment créer un menu à partir de zéro ?
Épisode 3 : Le stress et l’adrénaline de l’ouverture

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Ouvrir un restaurant à Paris ne se fait jamais sur un coup de tête. Car si l’essor et l’engouement autour de la gastronomie ont ouvert la voie à une effervescence culinaire inédite dans la capitale, ils n’épargnent pas pour autant les restaurateurs d’un travail minutieux de préparation et d’anticipation au moment de se lancer dans une nouvelle aventure gastronomique.

© Taku Sekine

Alors, quand Taku Sekine, l’un des jeunes chefs japonais les plus en vue de la capitale, s’est mis en tête d’ouvrir une nouvelle adresse, plus populaire, familiale et spontanée que son déjà très réputé restaurant Dersou, il a alors fallu se retrousser les manches. Pendant plusieurs mois, avec son acolyte et associé Florent Ciccoli, chef multicasquette à l’origine d’une flopée de bars et restaurants où vous avez probablement vos habitudes si vous vivez à Paris (Pères Populaires, Au Passage, Café du Coin, Bones…), ils ont écumé les agences immobilières… et appris à voir Paris autrement – c’est-à-dire en scrutant minutieusement les panneaux sur les façades d’immeubles.

À Paris, il arrive de trouver une opportunité juste par chance, comme ça”, fait remarquer Taku Sekine. À Paris, il existe deux écoles dans la manière de penser et de lancer une ouverture de restaurant : soit tu as quelques millions en poche et la recherche se boucle souvent en quelques semaines, soit tu te débrouilles et tu prends ton mal en patience.

“C’est beaucoup de travail, beaucoup de temps pour trouver un truc qui te plaît. En fait, c’est comme quand tu cherches un appartement, ni plus ni moins”, résume Taku Sekine.

© Taku Sekine

“Viens, on appelle et on voit”

Comme n’importe quelle recherche d’appartement, le dénouement de cette quête de locaux viendra presque d’un coup de bol. “Je n’avais pas trop d’idées de lieux, alors que Taku s’imaginait bien dans le 11e ou 12e arrondissement. Mais ce sont des quartiers déjà relativement saturés à mes yeux, observe Florent Ciccoli.

“Et un jour, à côté de chez moi, j’ai remarqué un lieu à louer. C’était un vieux restaurant chinois ouvert depuis 40 ans, fermé depuis un an. La famille qui tenait l’établissement était partie et avait rendu les clefs. J’ai dit à Taku : ‘Viens, on appelle, et on voit.'”

Le lieu en question, Cheval d’Or, arbore encore la devanture colorée de l’époque. À quelques encablures du parc des Buttes-Chaumont, dans un XIXe arrondissement encore timidement loti en commerces de bouche qui valent le détour, le chef y a vu une aubaine et une chance à saisir. “C’est un quartier où il n’y a pas grand-chose encore, alors qu’il s’agit d’un grand bassin de population. C’est un coin très dynamique, notamment le week-end. Il y avait quelque chose à faire et c’est finalement assez bien tombé”, appuie Florent Ciccoli.

© Taku Sekine

Et, comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, les compères apprennent dans le même temps que le local est gratuit. Un piège ? Bien au contraire. Le propriétaire des lieux qui avait en tête de redonner un coup de boost au quartier semble avoir vu dans ce projet de restaurant l’issue idéale. “Il allait rencontrer dix personnes et choisir le projet qui le brancherait le plus. Il n’était pas dans une logique d’argent, mais d’accompagnement de projet.” Du jamais vu pour Florent Ciccoli qui a déjà participé à l’ouverture d’une quinzaine d’affaires dans la capitale.

100 % hasard, 0 % storytelling

Nous sommes alors en février 2018 et les deux chefs plantés au milieu du restaurant rempli de poussière se tournent l’un vers l’autre : “Ça a été un coup de cœur, reconnaît Taku, qui se souvient encore d’avoir fixé le haut plafond – une denrée rare à Paris – pendant quelques instants. C’était vide et un peu sale, mais on n’a eu aucun mal à nous projeter dedans.” Idem pour Florent Ciccoli : “Quand tu visites un lieu, tu sens les choses généralement, et c’est ce qu’il s’est passé au Cheval d’Or.”

Une fois les documents signés, il a ensuite fallu s’atteler aux chantiers. Mais, avant ça, se demander quoi faire de cet endroit qui a tant vécu. “C’est un restaurant qui a tourné pendant trente ans, alors hors de question de faire n’importe quoi. C’est un endroit que les gens connaissaient, qui a une grande histoire, qui tournait en famille, alors on a décidé de garder le nom et la devanture, comme un hommage et un signe de reconnaissance”, explique Taku Sekine. À l’inverse de ceux qui y liraient un storytelling bien huilé, les chefs y voient plutôt un joyeux hasard. Car l’idée de départ n’était pas forcément de perpétuer une histoire à tout prix.

Cheval d’Or restera Cheval d’Or

Pendant la période de recherche, les deux chefs ont visité de nombreux lieux, y compris des établissements qui n’étaient même pas des restaurants. “Des détails se sont additionnés et c’est ça qui a construit le projet. C’est un hasard d’être tombés sur cette institution chinoise, et nous sommes heureux que ce hasard soit arrivé, dit Florent Ciccoli. C’est comme si tu grattais une peinture et que tu découvrais derrière une fresque du XIXe siècle. On aurait dit : ‘C’est génial’, mais ce n’était pas une volonté initiale.”

© Taku Sekine

“Un des chantiers les plus compliqués à gérer”

Si les chefs s’en étaient tenus au programme initial, vous seriez peut-être en ce moment attablé·e au Cheval d’Or à l’heure où vous lisez ces lignes, mais les choses ne se sont pas vraiment déroulées comme prévu. “Au début, on ne voulait pas faire de grands travaux. Gratter ça et là, passer un coup de peinture, et c’est tout. Puis on a commencé à revoir nos ambitions à la hausse, raconte Taku Sekine.

“On est pros, passionnés, et on ne voulait pas faire les choses à moitié. On s’est motivés, on a repris les plans et on a décidé de tout repenser.”

Mais au fil des semaines, les obstacles se sont accumulés. D’abord le nouveau compteur EDF que personne ne vient installer, puis le cuisiniste qui disparaît dans la nature du jour au lendemain. “C’est l’un des chantiers les plus compliqués que j’ai eu à gérer”, confie Florent Ciccoli. De mémoire de restaurateur, un an de travaux pour une telle superficie, c’est beaucoup. Mais aujourd’hui, les deux chefs s’accordent à dire que le jeu en valait la chandelle. Si l’ouverture a été reportée à plusieurs reprises, elle devrait finalement avoir lieu dans les (petites) semaines qui arrivent… Si tout se passe bien.

Dans le prochain épisode, Taku Sekine et Florent Ciccoli nous parleront du challenge et des compromis qu’exige l’ouverture d’un restaurant avec deux chefs, et la création d’une carte et d’un menu à partir de zéro. Rendez-vous la semaine prochaine.

Épisode 1 : Chantier, pas de portes et autres petites péripéties
Épisode 2 : Comment créer un menu à partir de zéro ?
Épisode 3 : Le stress et l’adrénaline de l’ouverture