Cidre, hydromel et ginger beer : avec ceux qui bricolent leur propre alcool de confinement

Cidre, hydromel et ginger beer : avec ceux qui bricolent leur propre alcool de confinement

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(© DR/François Carpentier)

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Par Robin Panfili

Publié le

Le confinement semble avoir donné des idées à quelques expérimentateurs.

En quelques semaines seulement, le confinement a su réveiller bien des savoir-faire. Des travaux manuels à la cuisine en passant par la boulange à domicile : nombre de Français ont profité de cet isolement forcé en pleine épidémie de coronavirus pour se lancer dans un projet culinaire à moyen terme ou dans une petite quête gastronomique personnelle. Parmi ces aventuriers de l’isolement forcé, on retrouve également des passionnés de fermentation qui ont mis à profit ce temps qu’il leur était offert pour créer leurs propres boissons alcoolisées de manière totalement artisanale.

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En Bretagne, par exemple, tout un groupe de personnes se réunit ainsi à distance, depuis les premières semaines du confinement, pour partager leurs expériences, l’évolution de leurs expérimentations et la naissance de leurs propres breuvages. Mais comment se sont-ils rencontrés ? C’est tout simple. Tout a commencé dans un live, diffusé sur Twitch, dans lequel François Carpentier, ancien barman (Little Red Door, Joyeux Bordel, La Fabrique) et formateur auprès de jeunes barmen en devenir dans une faculté des métiers à Rennes, a été invité pour discuter de boissons fermentées. “Un ami de Mother Shaker m’a demandé si je voulais participer, j’ai dit oui”. Il aborde alors devant quelques spectateurs connectés les bases de la fermentation, les différents mécanismes, la place qu’elle occupe sur le plan biologique et son rôle dans l’histoire du vivant. “Comme je me doutais que le temps était long en confinement pour beaucoup, j’ai décidé de leur parler de plusieurs recettes extrêmement simples à reproduire, avec des ingrédients relativement disponibles ou substituables”, dit-il.

“J’essaye d’avoir une approche théorique assez poussée en général, mais je sais que ce n’est pas du goût de tous, donc j’essaye de toujours apporter un aspect DIY et de pousser les personnes qui m’écoutent à mettre les mains dans la terre, toucher les produits et retrouver un rapport plus organique aux ingrédients. L’idée est aussi de transmettre un message, de pousser les auditeurs à changer de rapport aux ingrédients et de leur faire voir qu’ils sont capables de faire un tas de chose eux-mêmes plutôt que d’acheter des produits industriels dont on sait peu de choses en termes de composition ou de qualité.”

(© DR/François Carpentier)

Tout est fermentation (ou presque)

François Carpentier se penche donc sur plusieurs recettes et expériences facilement réalisables chez soi (peu de matériel, préparations simples…) : le cidre a la façon gréco-romaine (avec des pommes concassées, eau, épices et miel), l’hydromel ou chouchen (miel et eau, levures en option), la ginger beer (gingembre, eau, sucre, levures en option), le tepache, une boisson traditionnelle mexicaine (ananas, épices, sucre ou miel, levures en option) ou encore le shrub, une sorte de sirop vinaigré (fruits de saison, vinaigre et sucre).

“Il est important de comprendre que toutes les boissons alcoolisées que nous consommons sont issues de fermentations : bière, cidre, vin, et j’en passe… Les levures et certaines bactéries vont consommer des sucres en milieu liquide pour produire de l’alcool et du CO2, (des bulles). Donc, nos produits fermentés alcooliques sont les précurseurs de tous les alcools forts et même en cas de fermentation prolongée ils resteront à des degrés d’alcool assez bas (2-8° généralement).”

(© DR/François Carpentier)

Peu après son intervention en ligne, il reçoit alors plusieurs messages. “Les retours ont été nombreux, beaucoup de questions précises et techniques autour du processus, d’expériences ou de cas particulier, confie-t-il. C’est génial, chacun fait avec les moyens du bord, adapte les recettes et fait son expérience”. Un expérimentateur de Cancale (Ile-et-Vilaine) s’est ainsi lancé dans un tepache à la banane, sans savoir s’il fallait inclure la peau du fruit dans le mélange. “Le temps que je lui réponde que non, il ne fallait pas la mettre, il avait déjà démarré sa fermentation. Il est donc en train de tester une recette nouvelle que je n’ai jamais testée et ça à l’air de bien marcher selon ses derniers retours”.

Expériences à domicile

Pour le moment, la boisson qui rencontre le plus de succès est l’hydromel, “pour sa simplicité, la disponibilité des ingrédients et parce que la plupart sont curieux de connaître le goût typique de ce produit ancestral”. Et puis, il est très facile de personnaliser son propre breuvage en ajoutant des épices et des fruits à l’intérieur. La ginger beer est également très plébiscitée, notamment grâce à la grande mode qui entoure le “Moscow Mule”.

“Ça été très vite, en fait. Le jour même, je recevais un tas de messages de la part des participants avec des photos de leurs tests. Je me suis proposé de répondre à toutes leurs questions et depuis ça continue. C’est super pour moi, car ça me permet de transmettre des choses qui m’intéressent et qui me semblent utiles.”

(© DR/François Carpentier)

Comme le levain, le pain ou le yaourt, l’intérêt pour les boissons fermentées et le DIY n’est pas anodin et innocent dans l’époque que nous traversons. “Il y a un regain d’intérêt car ces produits fermentés ont l’image de produits de ‘survaliste’, dit François Carpentier. J’ai le sentiment que l’anxiété relative à l’effondrement est en train de monter : de plus en plus de monde cultive leur potager, fait fermenter leurs légumes et apprend les rudiments de la vie à l’extérieur“.

“On nous parle de plus en plus de collapsologie. On a le sentiment d’aller vers l’inconnu. On observe toute une tendance autour de la permaculture et du “retour à la terre”. Je comprends donc qu’un sujet comme les boissons fermentées peuvent intéressait de plus en plus depuis quelques années. Sans parler des vertus des produits fermentés en termes de conservation et de nutrition bien connues de nos anciens.”, finit-il.

L’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.