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Comment la Campbell’s a causé une mutation génétique foireuse sur les tomates

Comment la Campbell’s a causé une mutation génétique foireuse sur les tomates

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© Campbell Soup Company

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Par Claire Verriele

Publié le

Ou comment l'industrie tente (pas toujours avec succès) de modifier la nature.

Calibre, poids, couleur, la science aide à modifier génétiquement nos fruits et légumes pour qu’ils correspondent aux injonctions de la production de masse. Au fil du temps, les plantes sont devenues plus résistantes aux insectes et les goûts se sont uniformisés pour répondre à la demande homogène des acheteurs.

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Mais parfois, ces modifications peuvent entraîner d’autres perturbations génétiques non anticipées par les producteurs. Un exemple édifiant en est le mystère d’un changement génétique effectué par la Campbell Soup Company qui eu des conséquences désastreuses sur la culture de tomates. Longtemps resté irrésolu, il vient d’être élucidé. On vous raconte comment cela a pu arriver.

Un champ de tomates miraculeux ?

Célèbre pour figurer sur un célèbre tableau d’Andy Warhol, la soupe de tomates Campbell nécessite pour sa production de tomates en grand nombre. C’est ainsi que l’entreprise est devenue l’une des premières à utiliser la mutation génétique à des fins de rendement. Un article du magazine Quartz raconte qu’au milieu du XXe siècle, un des champs de tomates de la marque présentait des fruits accolés à la plante sans la présence des tiges courbées et des boursouflures habituelles.

Cette anomalie permettait de les récolter sans leur petit collet vert et d’ainsi faciliter leur transport, leur vitesse de transformation et de moins les abîmer lors de la cueillette. La mutation fut alors identifiée, nommée “jointless-2″ et utilisée par d’autres industriels en quête de la tomate la plus parfaite. Un changement soudain trop beau pour être vrai ?

Une mutation inattendue

Au fil du temps, des effets secondaires sont apparus sur les plants de tomates pourvus de la modification “jointless-2″, y compris sur le premier champ où avait été expérimentée ladite modification. Les plants se mettaient à produire plus de fleurs mais moins de fruits, soit le contraire de l’ambition de départ.

Ce n’est que récemment et grâce aux avancées technologiques permettant de séquencer le génome que les chercheurs Lippman et Soyk ont résolu le mystère de ce comportement imprévisible dans une étude du Cold Spring Harbor Laboratory, parue dans Nature Plants. Ils expliquent qu’une ancienne mutation génétique datant de la domestication du fruit, il y a plus de 4 000 ans, entrait en conflit avec celle induite par la compagnie Campbell entraînant ainsi un phénomène de “variation génétique cryptique”.

À droite, la tige modifiée par le gène “jointless-2”. (Étude du Cold Spring Harbor Laboratory © Lippman lab/CSHL)

Mère Nature reste aux commandes

“En soi, la mutation unique n’a aucun effet évident sur la santé, la forme physique ou la vigueur de la plante. Mais quand une autre mutation survient avec une interaction négative, c’est la mutation cryptique qui se révèle. […] Si vous souhaitez utiliser un gène particulier pour améliorer un trait, par exemple, en modifiant le gène, il se peut très bien que le résultat ne soit pas celui que vous espériez”, explique le professeur Lippmann.

Le chercheur revient également sur la manière dont des cultivateurs ont pu contrer l’effet de la mutation sans la comprendre en parvenant à retrouver à tâtons la fonctionnalité de départ du gène. “Nous avons constaté que certains éleveurs en Floride étaient capables de sélectionner d’autres variantes cryptiques qui neutralisent cette interaction négative.” Grâce aux innovations scientifiques actuelles, il est possible d’empêcher aux variations cryptiques de se produire soudainement mais cette histoire rappelle que les lois de la nature restent impénétrables et que l’industrie agroalimentaire a eu de réelles conséquences sur la normalisation des variétés.