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Pourquoi un repas, c’est une entrée, un plat et un dessert ?

Pourquoi un repas, c’est une entrée, un plat et un dessert ?

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Les Visiteurs, réalisé par Jean-Marie Poiré

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Par Claire Verriele

Publié le

Où sont les poulardes ? J’ai grand faim !

L’enchaînement entrée-plat-dessert est monnaie courante dans les restaurants et synonyme de repas complet pour les pays occidentaux. Mais d’où vient cette injonction ? Club Sandwich fait un peu d’histoire et vous révèle comment ce triptyque culinaire a pris place dans l’univers de la gastronomie.

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Du service aristocratique “à la française”…

Au Moyen Âge, dans les sphères aristocratiques, il était coutume de servir des banquets dits “à la française”. Jean-Louis Flandrin explique, dans L’Ordre des mets, qu’on y dénombrait une ribambelle de plats : la mise en bouche, les hors-d’œuvre, le potage, le relevé, l’entrée (le premier des plats de viande), le rôt, les entremets et, enfin, le dessert servi après la desserte des tables – d’où son nom –, qui n’était pas forcément sucré et se servait en trois ou quatre fois.

Les plats – qu’ils soient sucrés, salés, froids ou chauds – sont servis ensemble sur une grande table pour en mettre plein la vue. Chaque invité a plus ou moins accès aux mets selon son rang social. Encouragée par le développement du sucre comme met de luxe, une séquence sucrée va se différencier d’une première partie salée à partir de la Renaissance.

… Au service “à la russe” des bourgeois

Progressivement, et ce jusqu’à la fin du XIXe siècle, le service à la française va être remplacé par une autre forme de service plus proche de notre manière actuelle de nous alimenter : le service “à la russe”. Il aurait été introduit – selon l’historien Marc de Ferrière – par le prince Alexandre Kourakine, ambassadeur de Russie en France, encouragé par une bourgeoisie en quête de structuration.

Le service devient hiérarchisé et davantage séquencé : fini les grandes quantités, on passe à la portion par personne et chaque convive reçoit un repas identique en tout point. Une avancée pour l’égalité sociale. On évolue également vers un service à table qui laisse une place importante au maître d’hôtel et à l’art de la table : différents couverts, vaisselle élaborée, règles d’usages…

Moins de temps, moins de plats

Le nombre de plats proposés est restreint par le fait que les cuisiniers doivent désormais préparer les plats sur le moment. Face à cela, on se concentre sur les pièces de viande : le plat principal est en train de naître, et entrées et hors-d’œuvre viennent se confondre pour gagner du temps.

“Au XVIIIe siècle, on parle d’une nouvelle cuisine, légère, pour une élite qui ne veut plus passer trop de temps à table. Et la grande différence est qu’on va apporter les plats les uns après les autres”, explique un historien pour Atabula.

La chef Auguste Escoffier, qui a participé à l’essor de la cuisine française dans le monde, a aidé à restreindre davantage les plats et à gagner en rapidité en imposant un service de trois ou quatre plats et en créant le “menu à prix fixe”. Lors de son passage au Ritz, il imposait de finir par un dessert sucré. La séparation entrée-plat-dessert était donc amorcée.

L’éclatement de ces normes

De ces grandes périodes historiques, on garde cet enchaînement des mets dans les restaurants – plus court certes, bien que le trou normand et le fromage soient parfois de mise, mais bien présent –, avec le sucré comme touche finale. Cela reste très occidental car, en Chine par exemple, tous les plats sont mis en même temps sur la table, tandis qu’au Danemark, on consomme du riz au lait sucré en entrée à Noël.

Les pratiques peuvent donc varier et rien ne vous interdit de manger votre fromage en début de repas si vous le souhaitez, ou de commander deux entrées au resto. D’ailleurs, des établissements gastronomiques abandonnent le séquençage entrée-plat-dessert pour proposer une succession de plusieurs mets, comme le Septime à Paris, qui propose un dîner en sept étapes.

La séparation entre sucré et salé – sous l’influence du métissage alimentaire et d’une modernisation de la cuisine – ainsi que la sectorisation entrée-plat-dessert se refonde alors pour briser les codes et faire évoluer la gastronomie. Cette fusion sera d’ailleurs le thème du festival Omnivore en mars prochain.