Une italienne vous explique comment manger vos pâtes

Une italienne vous explique comment manger vos pâtes

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Par Olivia Cassano

Publié le

C'est pourtant pas compliqué.

La nourriture est aux Italiens ce que le thé est aux Britanniques. Et les pâtes, c’est aussi sacré que le Earl Grey. Alors on prend ça au sérieux, au point que notre âme bout comme une casserole d’eau bien salée quand quelqu’un les mange n’importe comment. Provoquer un Italien n’est pas difficile, mais pour être certain de nous énerver, rien de plus simple : manger ses spaghetti avec une cuillère.

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Ayant vu de mes propres yeux une bonne quantité de pâtastrophes (pâtes-catastrophes, donc). Je prends sur moi, au nom de tous les Italiens de compiler cette feuille de route de la consommation de pâtes selon l’étiquette : un guide de comment faire/manger/servir les pâtes pour les nuls. Et non, je n’écris pas cet article pour critiquer mon collègue de manière passive-agressive sur sa réinterprétation toute personnelle de la cuisine italienne. Ce ne serait pas mon genre.

Alors concentrez-vous, pour que la prochaine fois que vous partagerez un repas avec un Italien, vous ne vous retrouviez pas bannis à vie de leur table. Au minimum, ça vous permettra de ne pas avoir à subir le diatribe pédant sur l’art des pâtes (dans le même genre que celui que je vais faire maintenant).

Toutes les pâtes ne naissent pas égales

Un mythe indéboulonnable laisse penser que pour consommer de bonnes pâtes, il faut qu’elles soient fraîches, tout juste façonnées à la main de préférence par une octogénaire toujours armée de son rouleau à pâtisserie, qui pétrit la pâte en évoquant ses souvenirs du rationnement pendant la seconde Guerre Mondiale.

Alors, qu’on se mette d’accord : tortellini, gnocchi et ravioli sont bien meilleurs frais (qu’ils aient été façonnés pas une adorable octogénaire ou pas). Mais la beauté des pâtes, c’est que c’est le plat du pauvre. Même les meilleurs chefs dans les restaurants les plus côtés utilisent des pâtes sèches sans ciller. Parce que la pastasciutta italienne est aussi bonne que ça.

Les pâtes existent dans une quantité étourdissante de formes, et elles ne sont pas toutes égales face à la sauce. La règle de base est que les pâtes en tubes avec des stries (comme les penne ou les rigatoni) sont parfaites pour aspirer les arômes de sauces épaisses avec de la viande comme le ragù. Les pâtes longues et fines comme les spaghetti ou les linguine ont besoin de sauces plus légères qui enrobent, comme de la sauce tomate ou du pesto.

On laisse les boulettes de viande à Ikéa 

Puisqu’on en est au chapitre des sauces, sachez qu’il y a là une grave incompréhension. Une sauce peut être aussi simple qu’un peu d’ail et de piment rouge revenus dans de l’huile d’olive (aglio, olio e peperoncino) mais les étrangers adorent compliquer les choses. Voire inventer complètement.

La Marinara (sauce tomates, ail et origan) est une sauce qui permet la confection de pizza Marinara. Elle n’a rien à faire sur quoi que ce soit d’autre que de la pizza. Si elle touche une pâte, alors ce n’est pas de la Marinara, c’est du sugo al pomodoro et elle contient alors un soffritto (ail coupé finement et oignons), des tomates pelées, du basilic frais, e basta.

La sauce alfredo n’existe pas. Alfredo, c’est le nom de votre cousin par alliance, ce n’est pas une sauce. Les sauces au fromage, en Italie s’appellent quattro formaggi (quatre fromages). Et les pâtes avec des boulettes de viande à la Belle et le clochard, ça n’existe pas, c’est tout simplement une aberration qui essaie de passer pour du ragù (la vraie sauce bolognaise).

Pour finir, il y a un seul endroit pour les pâtes au ketchup : la poubelle.

Mauvaise préparation, mauvaise dégustation 

Ceux qui vous font croire qu’on peut tout faire cuire dans une seule casserole, sauce et pâtes comprises, sont des charlatans. Les pâtes se cuisent dans une grande quantité d’eau généreusement salée (il faut qu’elle ait le goût de l’océan) et doivent être al dente. Si un jour un Italien fait référence à vos pâtes comme scotta (trop cuit), comprenez bien que c’est une insulte très sérieuse, qui revient à insulter votre mère (et dans notre culture, la mère est encore plus importante que les pâtes).

Pour atteindre la cuisson parfaite des pâtes, retirez 2 minutes au temps de cuisson indiqué sur le paquet. Une fois bien cuites et égouttées, la tradition veut que les pâtes et la sauce soient mélangés dans la poêle ou la casserole de cuisson. De nombreux débutants servent leurs pâtes dans un plat et déposent la sauce par-dessus, il est évident que ce sont de dangereux sociopathes.

Pour la garniture : à moins que ce ne soit des pâtes aux fruits de mer, proscrire le persil. Pour que vous réalisiez bien l’importance de cette règle, sachez que quand la designeuse graphique m’a montré les illustrations de cet article, je lui ai fait recommencer les spaghetti parce qu’elle était allée me coller du persil dessus. Quand elle m’a apporté le second dessin, j’ai failli la renvoyer à son poste pour un troisième jet en voyant qu’elle avait dessiné la sauce déposée au-dessus, mais par peur qu’elle aille déposer plainte pour harcèlement auprès de la RH, j’ai laissé couler.

Comment ça se mange

Alors à ce sujet, personne ne veut se mouiller, parce qu’apparemment, il est bien plus compliqué de manger des pâtes que de les cuire. Les pâtes sont un plat, pas un accompagnement, c’est la Beyoncé des plats, et comme on dit, on ne laisse pas Bey dans un coin. Jamais un italien n’utilisera une cuillère pour manger des pâtes, à moins qu’elles ne soient dans une soupe, et au grand jamais, il ne les coupera avec un couteau. Si vous avez réellement l’intention d’utiliser un couteau, c’est que vous mangez une lasagne. Et encore, une lasagne bien cuite peut être mangée avec une fourchette, alors reposez votre couteau. Par ailleurs, ça peut sembler trivial comme remarque mais les pâtes se mangent dans une assiette. Pas dans un bol. Les bols sont pour la soupe et les gelato (glaces).

Voilà, vous avez reçu une bonne leçon sur les pâtes. Alors, c’est parti, cuisinez-les et buon appetito.

Traduit de l’anglais par Celia Guillon