La baguette mérite d’entrer au patrimoine mondial de l’Unesco, et voici pourquoi

La baguette mérite d’entrer au patrimoine mondial de l’Unesco, et voici pourquoi

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Par Claire Verriele

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Ramener (sous le bras) la croûte à la maison.

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Après l’art du pizzaïolo napolitain en 2017, la baguette française espérait s’inscrire au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco en 2019, mais c’est finalement la yole martiniquaise (une embarcation légère à voile) qui représentera les couleurs de la France. Bruno Laurioux, historien et président de l’Institut européen d’histoire et des cultures de l’alimentation – qui a participé au dossier de candidature de la baguette – nous en dit plus sur les enjeux autour de ce produit vu comme typiquement français.

Des soutiens nombreux

Avant toute chose, la baguette a été inscrite sur la liste nationale du patrimoine culturel immatériel français, “une performance obtenue en sept mois” relate Bruno Laurioux. Dominique Anract, président de la confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française, voulait la voir accéder à la deuxième étape : celle de l’Unesco, et cela semblait bien parti.

Le 12 janvier 2018, le président Macron en personne avait apporté son soutien à la baguette lors de la cérémonie dédiée à ce même produit : “La baguette, c’est le quotidien des Français, et le pain, c’est une histoire particulière, c’est le quotidien le matin, le midi et le soir pour les Français.” Les Français aussi semblaient emballés car selon un sondage du CSA rapporté par Le Figaro le 1er février dernier, neuf Français sur dix soutenaient sa candidature.

C’est finalement la yole martiniquaise qui l’a emporté laissant dans le pétrin ladite baguette mais aussi les jeux et sports athlétiques bretons. Cependant, la baguette pourrait bien prendre sa revanche.

La mise en valeur d’un savoir-faire

L’Unesco valorise “une culture représentée et portée par une communauté et un savoir-faire.” “Ce n’est absolument pas un produit qui est inscrit, c’est ce qui entoure un produit”, explique M. Laurioux.

D’un point de vue historique, la baguette, qui désignait autrefois le bâton du boulanger, serait apparue au XIXe siècle, quand le pain viennois de forme allongée aurait inspiré les boulangers parisiens. Une autre hypothèse est qu’elle aurait été créée sous Napoléon Ier pour permettre de transporter le pain plus facilement. Consécration en 1993 quand la baguette de tradition française est labellisée uniformisant le produit avec des ingrédients précis.

C’est un tour de main, une composition particulière mais aussi un rendu qui font la baguette, des éléments mis en valeur dans le dossier monté pour 2019 qui se nommait “Savoir-faire et pratiques de la baguette de pain”. Selon l’historien, il faut donc maintenant le muscler, le renforcer, le rendre plus ethnologique, faire des enquêtes, prouver qu’il y a un savoir-faire, une culture”.

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Un produit spécifique mais menacé

Autour de la baguette, il existe de nombreux usages spécifiques, comme le fait de l’utiliser pour le fameux jambon-beurre, pour saucer un plat ou pour confectionner des mouillettes ; des pratiques lui sont également associées, comme aller à la boulangerie et manger son croûton sur le chemin du retour. Mais, c’est aussi un symbole de la France, au même titre que le vin et le fromage, un produit que l’on présente comme “fabriqué à la manière française” à l’étranger.

L’autre point qui nous fait croire en son entrée sur la liste est que l’Unesco classe des produits menacés de disparaître et il semblerait que cela soit le cas pour la baguette. Bien que sa consommation soit de 32 millions de pièces par jour, les boulangeries artisanales sont de plus en plus fragilisées par les chaînes de boulangeries industrielles et la baisse de la consommation de pain chez les Français.

Notre baguette en route pour l’Unesco

L’art du pizzaïolo napolitain a dû s’y reprendre à plusieurs fois avant d’obtenir son titre. La baguette française va étoffer son dossier pour espérer obtenir en 2021 son approbation par l’Unesco comme l’ont fait la Corée pour le kimchi ou la Belgique pour la culture de la bière.

“Ça veut dire qu’en France, les questions gastronomiques peuvent être aussi des enjeux politiques, c’est plutôt rassurant d’un côté car ça veut dire que c’est important”, conclut Bruno Laurioux.

La baguette retentera donc sa chance en 2021, et ce coup-ci, on l’espère, ramènera la croûte à la maison.