L’histoire du forgeron taïwanais qui fabriquait des couteaux de cuisine à partir d’obus

L’histoire du forgeron taïwanais qui fabriquait des couteaux de cuisine à partir d’obus

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Par Axel Savoye

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Ces lames, plus résistantes et durables, sont même prisées par les chefs cuisiniers.

Si d’aventure vous veniez à vous rendre sur l’île de Kinmen, à Taïwan, pour visiter ses plages et ses villages bucoliques, n’oubliez surtout pas de ramener un de ses souvenirs particuliers : un couteau de cuisine forgé à partir d’éclats d’obus d’artillerie.

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Elle n’en a plus l’air aujourd’hui, mais Kinmen était autrefois un champ de bataille qui a accueilli de multiples conflits entre la Chine et Taïwan, sa proximité avec la République populaire faisant d’elle une cible privilégiée. Il y pleuvait alors de l’acier tous les jours, acier qu’une famille locale de forgerons a décidé d’utiliser dans une optique moins belliqueuse, raconte Atlas Obscura.

Wu Tseng-dong fait partie de la troisième génération à la tête de la forge familiale. Les vingt premières années de sa vie, il a vécu sur un champ de bataille, mais ces bombes qui tombaient sans arrêt du ciel furent étrangement un mal pour un bien.

L’entreprise familiale a débuté avec le grand-père de Wu, qui récoltait déjà des obus lancés par les États-Unis et les forces alliées lors de la Seconde Guerre mondiale. Kinmen était une société agricole et des outils en métal lui étaient donc nécessaires. “L’acier des bombes est de très bonne qualité”, explique celui qui se fait surnommer “Maestro Wu”.

“À l’époque, on n’avait pas les machines pour découper les bombes en petits morceaux, alors nous ramassions ces fragments pour en faire des couteaux”, explique Wu Tseng-dong.

(© Capture d’écran YouTube)

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Aujourd’hui, Wu fabrique essentiellement des couteaux de cuisine, prisés par des chefs cuisiniers pour leur résistance et leur durabilité, l’acier des obus étant plus dense que l’acier ordinaire. Il peut en fabriquer entre 10 et 60 par obus selon leur taille. Avec près de 480 000 obus tirés sur Kinmen rien que durant l’année 1958, la forge de Wu n’est pas près d’être à court d’acier.

Quand bien même l’histoire d’un forgeron gagnant sa vie grâce à des vestiges de la guerre peut avoir une portée symbolique et historique, Wu préfère rester pragmatique : ces obus étaient le meilleur moyen d’avoir de l’acier en grande quantité et à bas prix. En plus d’être des pièces artisanales de bonne facture, ces couteaux rappellent au mauvais souvenir d’un conflit qui ne s’est jamais achevé et qui menace encore les insulaires de Kinmen.