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Nous mangeons trop de poulpe (et c’est un gros problème)

Nous mangeons trop de poulpe (et c’est un gros problème)

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© Getty Images

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Par Robin Panfili

Publié le

Pour répondre à la demande, des projets d’élevage en cage apparaissent aux quatre coins du monde.

Lorsque les beaux jours reviennent, que l’été approche, les cartes des restaurants s’adaptent. Les tomates font leur retour dans les assiettes, mais également d’autres produits récurrents, comme le poulpe. Un animal souvent présenté comme un plat d’été, servi avec des légumes grillés, et symbole d’une pause gourmande équilibrée et dépaysante. 

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Sauf que manger du poulpe en été sonne, dans les faits, comme une hérésie des points de vue écologique et environnemental – bien qu’il pullule sur certaines de nos côtes, mettant en péril d’autres espèces. Car après tout, si l’on met autant d’énergie à respecter la saisonnalité des fruits et des légumes, pourquoi ne pas porter autant de précautions et d’attentions aux produits de la mer ?

En dépit d’un long cycle de reproduction, allant de mars à novembre, le poulpe est aujourd’hui servi toute l’année dans les restaurants et pêché de manière intensive. Un phénomène qui laisse craindre non seulement un appauvrissement des réserves et une insécurité alimentaire, mais également la perturbation des écosystèmes existants.

L’an dernier, le chef Juan Arbelaez avait pris la décision, comme d’autres cuisiniers, de retirer de sa carte l’animal durant cette période de reproduction. Une décision salutaire, qui lui avait permis de mettre en valeur d’autres poissons, moins plébiscités, mais présents en grand nombre dans nos océans — tacauds, maquereaux, sardines, chinchards…

Le problème, c’est que l’initiative de ces chefs reste un cas isolé. Aujourd’hui, en Europe, ce sont près de 130 000 tonnes de pieuvres sauvages qui sont consommées chaque année. En tête, l’Italie, devant la France qui figure septième. Mais au fil des mois et années, la demande explose, partout dans le monde, notamment aux États-Unis et au Japon, note France Inter. Alors des solutions ont été trouvées pour répondre à cet engouement croissant, et souvent pour le pire.

L’association CIWF, dédiée au bien-être des animaux d’élevage terrestres et marins, vient de publier un rapport dénonçant des projets d’élevage de pieuvres en cours de développement en Espagne, au Mexique ou encore au Japon. Un “désastre annoncé”, c’est en ces termes que l’association résume la situation gravissime à laquelle nous nous exposons. “Des chercheurs, principalement en Espagne, ont travaillé au développement de cages dans l’océan et dans des bassins”, dit le rapport.

Au-delà de l’idée même d’élevage, le rapport souligne les conditions d’élevage que les pieuvres ne pourraient pas supporter. “Ces animaux sont solitaires par nature“, rappelle Léopoldine Charbonneaux, l’une des autrices de l’étude. “Ils sont très curieux, très intelligents, et ils ont une volonté d’explorer, une curiosité naturelle qui leur fait manipuler et contrôler leur environnement.”

Les premières expérimentations en matière d’élevage ont mis en lumière des cas de “cannibalisme”, de “dépendance à la nourriture d’espèces vivantes”, mais également de grandes difficultés de reproduction. “Ils se sentent facilement agressés par leurs congénères et peuvent très facilement se blesser sur les parois des cages ou des bassins”, pointe le rapport, qui rappelle également qu’il n’existe aujourd’hui aucune législation pour protéger ces animaux ou pour encadrer leur pêche.

Dès lors, à notre échelle, chacun peut agir en acceptant de modérer sa consommation de poulpe et de la limiter à une période où ces invertébrés ne se produisent pas. Et accepter, donc, que le poulpe devienne davantage un plat d’hiver qu’un plat d’été.