Vu de l’étranger, la réouverture ne sauvera pas (tout de suite) les restaurants

Vu de l’étranger, la réouverture ne sauvera pas (tout de suite) les restaurants

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© Ultraviolet/ Instagram

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Par Robin Panfili

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À la fin du confinement en Chine, le chef Paul Pairet est "tombé à 10 % de l’activité". Depuis, les affaires vont un peu mieux.

Le chiffre fait froid dans le dos. Lors de la réouverture de ses restaurants en Chine, le chef et juré de Top Chef Paul Pairet confie être “tombé aussi bas que 10 % de l’activité, et ça a duré un moment”. À Shanghai, à vrai dire, la reprise dans ses différents établissements (Ultraviolet, Polux, Mr & Mrs Bund), qui ont dû fermer leurs portes durant le confinement, n’a pas eu l’engouement espéré. En France comme ailleurs, c’est désormais la reprise que les restaurateurs redoutent le plus, en parallèle des mesures drastiques – réduction des tablées et de la capacité d’accueil – qu’ils devront certainement adopter dans les semaines et mois qui arrivent.

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Mais pourquoi la réouverture inquiète-t-elle autant ? Il y a le changement d’ambiance et d’atmosphère, bien sûr, avec des serveurs et des cuisiniers masqués, mais également le spectre d’une peur généralisée de la contamination qui pourrait venir freiner la clientèle à revenir à table, y compris la plus fidèle. “Il y a encore beaucoup de prudence de la part des gens pour sortir le soir. On le voit puisqu’on a moins de dîners que d’habitude, constate Paul Pairet dans une interview au Huffington Post. On a ouvert les déjeuners le week-end [chez Mr & Mrs Bund, ndlr], chose qu’on ne faisait pas.”

“On a beaucoup moins de dépenses. Le ticket moyen est divisé par deux, parce que les gens ne sont pas sûrs de savoir si leur business va reprendre. Le restaurant est vraiment le reflet de ce qui se passe dans la société.”

Baisse d’affluence et salles silencieuses

À Shanghai, ou même à Guangzhou, cette réduction des tablées, le recours plus systématique aux livraisons et le boom des repas pris à domicile a eu un effet direct et relativement néfaste sur l’activité des établissements de bouche. Une baisse de chiffre d’affaires pour les restaurateurs, et un changement total d’atmosphère à l’intérieur des salles de restaurants. Le chef Jean-Georges Vongerichten, installé aux États-Unis mais à la tête d’adresses dans ces deux villes chinoise, expliquait à Eater que, lorsque vous entrez désormais dans un restaurant en Chine, c’est une montagne de mesures et de restrictions gouvernementales qui vous submerge dès le pas de la porte.

“La température des chefs et des clients est mesurée, pas de tablées supérieures à quatre personnes, tables écartées de plusieurs mètres, personne ne touche l’argent…” Mais ce qui l’a le plus frappé, c’est le bruit. Ou, du moins, l’absence de bruit. Si, à la mi-avril, les affaires avaient repris à hauteur de 40 % ou 50 % dans ses établissements, les salles demeuraient très silencieuses. Personne ne parle, personne ne s’attarde à table.

L’interview de Paul Pairet n’est toutefois pas entièrement déprimante. S’il n’y a pas eu un retour à l’activité du jour au lendemain, la fréquentation a progressivement pu reprendre dans les semaines qui ont suivi le déconfinement. Chez Polux, par exemple, “on est à 70 % de notre activité en ce moment. On espère passer à 80 % voire 90 % le mois prochain”. Des chiffres qu’il était difficile d’imaginer après la sidération du confinement et le retour “à la vie normale”.

Et en France ?

Qu’en sera-t-il en France ? Pour l’heure, nous ne nous pouvons que spéculer : nul ne sait quand et comment les restaurants pourront rouvrir. Depuis quelques jours, plusieurs chefs se disputent par médias interposés à propos de la nécessité ou non de rouvrir au plus vite. Et, surtout, dans quelles conditions ? Paul Pairet a une théorie.

“Peut-être que la réouverture va se faire de façon uniforme, même si elle risque d’être un petit peu échelonnée en fonction des établissements. À ce moment-là, il y aura peut-être une volonté de la part des Français de retrouver les terrasses, de supporter les restaurants, etc.”

“Je pense que ça pourrait aller plus vite parce que la mentalité n’est pas aussi conservatrice en matière de prévention de la maladie que la Chine. Ici, on a l’habitude de ce genre de crise car le pays en a connu d’autres. C’est un peu maladroit de le dire comme ça, mais le pays a été prudent. C’est d’ailleurs pour ça que le business revient de façon très progressive”, dit-il.