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Pourquoi la crise n’a rien changé à notre obsession pour la bouffe

Pourquoi la crise n’a rien changé à notre obsession pour la bouffe

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Par Sirine Azouaoui

Publié le

Malgré la précarité, la génération des 18-35 ans continue de dépenser son salaire en légumes bio, petits restos et bières artisanales.

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La génération Y ou des “millenials” est souvent associée à des mots peu encourageants : crise, chômage, précarité… Et la réalité économique n’est pas vraiment plus joyeuse. Les 18-35 ans seraient plus précaires que leurs aînés, ils gagneraient moins que leurs parents. Pourtant, ces difficultés n’ont pas marqué un coup d’arrêt à l’expansion monstre de la culture food.

Les jeunes sont obsédés par la nourriture et leur maigre salaire ne les empêche pas d’acheter du kale bio pour leur prochaine salade, d’aller goûter le dernier “meilleur burger de la ville” ou de siroter une bière dans une micro-brasserie. Comment expliquer ce paradoxe ? Le site américain Eater s’est penché sur la question.

Pour comprendre, il faut s’attarder un peu sur le terme “foodie”. Aux Etats-Unis, sur les 80 millions de “millenials”, la moitié considèrent en être. Le mot est apparu pour la première fois dans un article en 1980, le foodie fait partie des gens “obsedés pas la nourriture, qui prennent des cours de cuisine, qui font des compétitions pour des dîners compliqués et parfaits, qui font le tour des trois étoiles en France”.

Dans les années 80, aimer la nourriture, c’est aimer le luxe. Aujourd’hui, les innovations ne viennent pas des plus riches, selon Eater. Les nouvelles techniques et les nouvelles tendances sont plutôt inspirées d’habitudes populaires : faire pousser ses propres légumes, utiliser les restes, manger un animal de la tête aux pieds. Avec la crise, les passionnés de nourriture ne cherchent pas à dépenser moins, mais à dépenser mieux. Il ne s’agit plus d’acheter du discount et d’empiler la nourriture industrielle dans son caddie. Maintenant, le truc c’est d’aller dans la bonne épicerie, acheter le bon produit bien fait.

Ne pas oublier d’Instagrammer son plat pour faire valoir sa différence

Les “millenials” dépensent donc beaucoup dans leur alimentation que ce soit pour manger chez eux ou au restaurant et il y a deux explications à cela. D’abord, les 18-35 ans ne sont plus intéressés par la propriété. Ils ne veulent plus posséder des biens mais partager des expériences. Manger fait partie de cette expérience. Quand on va dans un restaurant tendance, on prend des photos, on les partage sur les réseaux sociaux et on raconte à ses amis quel ingrédient fou on a découvert ce soir-là.

Cette expérience nous aide à gagner un statut social. “La nourriture devient une forme de monnaie sociale” explique Eater. Et les réseaux sociaux aident à valoriser ces expériences. Eve Turrow est une écrivaine spécialiste de la relation des “millenials” à ce qu’ils mangent, qu’elle résume ainsi :

“Si vous postez une photo de lasagnes au chèvre et au chou kale que vous avez faites, vous dites que vous avez l’éducation, vous dites que vous avez le temps, que vous avez choisi d’utiliser vos revenus pour acheter du kale et du fromage de chèvre sans OGM.”

Une photo publiée par @clem__lv le

L’autre raison est le sentiment de contrôle. Quand on achète des produits dans un endroit que l’on choisit, que l’on fait tout soi-même de A à Z, que l’on choisit d’être locavore (manger des produits locaux), végan ou végétarien, on est en contrôle. Puisqu’on ne peut pas contrôler le reste : l’économie, la crise politique, le réchauffement climatique, manger est un domaine qui rassure.

Et quand on pense que les 18-35 ans préfèrent la nourriture au sexe, selon une étude, on se dit que notre obsession pour la nourriture n’est pas prête de s’arrêter.

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